Saint-Norbert, une invitante banlieue francophone de Winnipeg
On trouve à Saint-Norbert plusieurs facettes de l’histoire du Manitoba. Dans ce quartier majoritairement francophone d’origine métisse, le monument La Barrière rappelle que les Métis dirigés par Louis Riel ont organisé ici la résistance menant à l’entrée du Manitoba dans la Confédération canadienne. Des résidences historiques parmi les plus vieilles de la province présentent aux visiteurs la vie que menaient les pionniers manitobains. De plus, un grand bâtiment à l’architecture remarquable construit par les moines trappistes dans les années 1910 abrite aujourd’hui le Centre des arts. Quant au réputé Marché Saint-Norbert, les producteurs agricoles s’y réunissent deux fois la semaine pour vendre leurs produits frais et cuisinés. Saint-Norbert a beaucoup à offrir aux visiteurs.
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Mettre en valeur l’histoire et le patrimoine
Des groupes communautaires appuyés par les gouvernements municipal, provincial et fédéral ont uni leurs efforts pour mettre en valeur le patrimoine métis et francophone à Saint-Norbert. Dans les parcs provinciaux du patrimoine de Saint-Norbert et du Monastère des Trappistes, ainsi que sur la place Saint-Norbert, des bâtiments historiques construits entre 1871 et 1895 ont été transportés, restaurés et aménagés en centres d’interprétation ouverts aux visiteurs. Les panneaux d’interprétation des sentiers du patrimoine de Saint-Norbert racontent aussi l’histoire de bâtiments locaux, comme la chapelle Notre-Dame-du-Bon-Secours datant de 1875, ou l’ensemble des moines trappistes érigé à partir de 1892 : l’hôtellerie convertie en Centre des arts et les vestiges de l’église et de la résidence qu’un incendie a partiellement détruites en 1983, tous deux reconnus lieux patrimoniaux du Canada.
L’« autre fourche » au confluent des rivières Rouge et La Salle
À 16 kilomètres au sud du confluent des rivières Rouge et Assiniboine, où la ville de Winnipeg a pris naissance, le confluent des rivières Rouge et La Salle était aussi un lieu de rendez-vous occasionnels des nations autochtones assiniboine, crie et ojibwée. Avec le développement de la traite des fourrures au 18e siècle, c’est la nation métisse issue des mariages entre les voyageurs français et les femmes autochtones qui a colonisé pour la première fois la région de Saint-Norbert à partir de 1822. En plus de participer au transport de fourrures et de marchandises et de faire du commerce, les Métis cultivaient ces terres divisées selon la méthode française, en longs « lots de rivière » perpendiculaires au cours d’eau, pour que chacun ait accès à la rivière.
Lorsque la Compagnie de la Baie d’Hudson céda son immense territoire privé au Canada en 1869, incluant Saint-Norbert, l’entente verbale qui accordait aux Métis la propriété de ces terres ne fut pas reconnue tout de suite par le Canada.
Des commerçants métis aux agriculteurs canadiens-français
À Saint-Norbert, le 16 octobre 1869, les Métis dirigés par Louis Riel érigent une barricade afin d’empêcher le lieutenant-gouverneur des Territoires du Nord-Ouest nouvellement nommé, William McDougall – hostile aux Métis –, de prendre possession du territoire au nom du gouvernement canadien et, ainsi, de les déposséder. Ce mouvement de revendication des droits des Métis et d’opposition au nouvel arpentage de ces terres évolue, s’organise et forme bientôt le gouvernement provisoire du Manitoba, dirigé par Riel. En juillet 1870, ce gouvernement est officiellement admis dans la Confédération canadienne.
Au cœur de cette crise, Riel avait envoyé à Ottawa le curé de Saint-Norbert, Noël Ritchot, et deux autres émissaires pour négocier l’entrée du Manitoba dans la Confédération. Pour remercier la Vierge Marie d’avoir permis la résolution pacifique du conflit entre les Métis et le gouvernement du Canada, l’abbé Ritchot a fait ériger la petite chapelle Notre-Dame-du-Bon-Secours.
Mais la victoire des Métis fut de courte durée. La population de l’Ontario, anglophone et protestante, était puissamment attachée aux valeurs et à la culture britanniques. Elle a poussé le gouvernement du Canada à rejeter le gouvernement provisoire métis dès qu’est parvenue à Ottawa la nouvelle qu’un fanatique irlandais anticatholique, qui avait participé à une tentative de renversement du gouvernement métis, avait été condamné à mort et exécuté. Une répression armée, puis des pressions de toutes sortes sont par la suite exercées sur la population métisse francophone catholique du Manitoba. Au point qu’un grand nombre d’entre eux quittent la région dans les années 1870, après que Louis Riel et Ambroise Lépine eurent été exilés.
Dès cette époque, et jusqu’au début du 20e siècle, des Canadiens français venus du Québec, pour la plupart agriculteurs, remplaceront progressivement les Métis à Saint-Norbert, jusqu’à former la majorité de la population.