Monument Lefebvre de Memramcook : renaissance acadienne et vitalité culturelle contemporaine
Inauguré en 1897, le Monument Lefebvre est un magnifique bâtiment de pierre destiné dès l’origine à honorer et à diffuser la culture acadienne. L’ajout de cette salle de spectacle au collège Saint-Joseph – qui devient la première université acadienne en 1888 – contribuera au rayonnement de cette institution phare de la renaissance acadienne. Aujourd’hui, le Monument Lefebvre poursuit sa mission de diffusion de la culture et de l’histoire acadienne en présentant régulièrement des spectacles de musique et de théâtre acadiens francophones. Le Monument propose aussi des visites guidées du bâtiment et une exposition portant sur l’odyssée acadienne, insistant sur la renaissance acadienne de la fin du 19e siècle.
Pour en savoir plus…
Informations, rires et émotions
Dans cette salle de spectacle patrimoniale réputée pour son acoustique exceptionnelle, les troupes professionnelles de passage et la troupe communautaire locale Troupe du Monument présentent souvent des comédies, le genre le plus prisé du public, ainsi que des pièces du répertoire acadien. En musique, les genres folk et pop sont ceux qui conviennent le mieux à cette salle intime de quelque 275 places. Artistes émergents et vedettes confirmées s’y succèdent pour faire vibrer les spectateurs. La programmation est presque entièrement francophone, à l’exception de quelques artistes acadiens anglophones.
La visite guidée de ce bâtiment classé lieu historique national du Canada depuis 1994, en raison de son architecture et de son rôle historique, entraîne le visiteur sur la scène et dans les loges d’artistes, dans les recoins cachés du bâtiment, en plus d’en faire découvrir maints détails architecturaux. L’exposition résume quant à elle l’odyssée acadienne depuis la Déportation de 1755 en s’attardant sur la période dite de la renaissance acadienne, qui s’amorce à Memramcook dans les années 1860 avec la création d’un premier collège d’enseignement supérieur permanent, le collège Saint-Joseph. Elle souligne également la vitalité contemporaine de la communauté acadienne du Nouveau-Brunswick.
En l’honneur de Camille Lefebvre
Le monument Lefebvre est une infrastructure additionnelle du collège Saint-Joseph que le père Camille Lefebvre a fondé en 1864. L’objectif était de doter le collège d’une salle de spectacle et de laboratoires de sciences. Comme ce prêtre énergique natif du Bas-Canada (le Québec d’aujourd’hui) avait beaucoup fait pour développer l’éducation supérieure à Memramcook et ailleurs en Acadie, et qu’il venait tout juste de décéder (en 1895), le nouveau bâtiment a été nommé en son honneur.
L’abbé Lafrance ouvre un premier collège à Memramcook en 1854, le séminaire Saint-Thomas. Mais comme il est incapable de rembourser les emprunts contractés pour ouvrir et opérer le collège, il doit le fermer en 1862. L’abbé Lafrance vend alors ses biens et demande à être remplacé comme curé de la paroisse. C’est à ce moment que Camille Lefebvre entre en scène. Il a l’appui de l’épiscopat et sait naviguer entre les intérêts des francophones acadiens et des catholiques anglophones irlandais et écossais. Le collège Saint-Joseph sera bilingue. Durant ses 15 premières années d’existence, les étudiants seront moitié francophones, moitié anglophones. Cette institution permet néanmoins au mouvement d’émancipation acadien qui se dessine de prendre son envol. Grâce à la formation d’une élite éduquée, les Acadiens pourront articuler leurs revendications, ouvrir un premier journal et tenir des conventions nationales acadiennes, dont la première se déroulera justement au collège Saint-Joseph de Memramcook en 1881. Le père Camille Lefebvre est un pionnier du développement de l’éducation supérieure en Acadie.
Memramcook, « Berceau de la Nouvelle Acadie »
Les premiers Acadiens s’établissent à Memramcook au début du 18e siècle, en asséchant les marais qui bordent la rivière Memramcook. En 1752, ils sont environ 250 habitants à cet endroit. La majeure partie d’entre eux échappent à la Déportation en s’enfuyant plus au nord, parfois jusqu’en Nouvelle-France (le Québec d’aujourd’hui). À la fin des années 1760, d’autres Acadiens s’établissent dans la région. En 1781, on dénombre 960 personnes dans la première paroisse. Les bonnes terres que les Acadiens peuvent gagner sur la mer grâce à leur système d’aboiteaux attirent beaucoup de monde. Mais ils ne sont pas propriétaires de leurs terres et plusieurs se déplacent dans les comtés de Kent et de Westmorland, où ils fondent les villages de Barachois, Cap-Pelé, Bouctouche, Richibouctou-Village et autres.
En 1842, quand la question de la propriété des terres se règle, Memramcook connaît un nouvel essor. Dix ans plus tard, 4000 personnes habitent la région. C’est dans cette communauté relativement à l’aise et dynamique que s’ouvrira le premier collège permanent en 1864, où seront formés plusieurs membres de l’élite acadienne qui prendront la tête du mouvement d’émancipation qualifiée de « renaissance acadienne ».