Maison Doucet et Banque des fermiers de Rustico 

Visiter l’austère maison de bois construite par Jean Doucet vers 1772 et le solide édifice en pierre du 19e siècle de la Banque des fermiers, tous deux restaurés avec rigueur, permet de mesurer l’importance de l’épisode de l’histoire économique canadienne qui s’est déroulé à cet endroit. En 1864 s’ouvrait à Rustico la première caisse d’épargne coopérative qui inspirera la création des caisses populaires Desjardins au Québec. La visite de la Maison Doucet permet aux visiteurs de mesurer le dénuement dans lequel vivaient les Acadiens de la région et de comprendre la motivation du prêtre George-Antoine Belcourt qui a fondé cette banque pour aider ses paroissiens à sortir de la pauvreté. Dans le musée qu’abrite aujourd’hui l’édifice, les visiteurs découvrent que son projet a été couronné de succès. La réussite de la restauration de ces deux bâtiments et leur animation révèlent en outre le dynamisme de la population contemporaine de Rustico.

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Lieu historique national du Canada et monument d’importance architecturale de l’Île-du-Prince-Édouard

La singularité du bâtiment qui abritait la Banque des fermiers et l’importance historique de cette banque ont valu à l’édifice construit en grès de l’Île-du-Prince-Édouard d’obtenir ces deux marques de reconnaissance patrimoniale.

À son arrivée à Rustico, en 1859, l’entreprenant prêtre québécois George-Antoine Belcourt avait déjà fait preuve d’audace en encourageant les Métis des Prairies canadiennes, où il avait œuvré pendant presque 30 ans, à se libérer du monopole de la Compagnie de la Baie d’Hudson. Frappé par le manque d’instruction et la pauvreté des quelque 2000 Acadiens de sa nouvelle paroisse, il fonde l’Institut catholique de Rustico qui tient des sessions d’étude bihebdomadaires. C’est pendant ces rencontres que Belcourt propose la création d’une petite banque populaire comme il en existe en Allemagne et dans le nord de la France. La population adhère à son projet et Belcourt rédige la demande de charte adressée au gouvernement colonial de l’île, qui lui accorde en 1863. La banque commence ses opérations l’année suivante.

La construction de l’édifice conçu par le curé Belcourt débute en 1863 et se termine en 1866. Chaque dimanche, des paroissiens apportent des pierres lorsqu’ils viennent à la messe. L’édifice, qui symbolise la solidité et la prospérité de la banque coopérative que l’abbé Belcourt a mise sur pied, se distingue nettement de tous les bâtiments en bois de la région. Il sert de salle paroissiale en plus d’abriter la banque que les paroissiens apprennent rapidement à gérer avec profit, tout en permettant aux fermiers de la région de se financer à de bas taux d’intérêt.

En 1991, l’édifice s’est beaucoup dégradé et plusieurs membres de la communauté s’organisent pour le sauver. Ils fondent l’organisme à but non lucratif Les Amis de la Banque des fermiers de Rustico inc. puis commencent l’exigeant processus de recherche de fonds pour restaurer l’édifice dont l’extérieur, l’intérieur et même la structure demandent de coûteuses réparations. En l’an 2000, les Amis inaugurent l’édifice entièrement restauré qui abrite aujourd’hui le musée racontant l’histoire de la Banque des fermiers.

La Maison Doucet, un autre trésor patrimonial

La Maison Doucet a été construite vers 1772 sur la Pointe-à-Grand-Père, de l’autre côté de la baie. Jean Doucet était un Acadien influent de l’île. En 1785, il a reçu le mandat de bénir les mariages et d’administrer les baptêmes partout sur l’île, en l’absence de prêtre francophone. Sa maison construite en billots de bois équarris à la hache – en pièce sur pièce à queue d’aronde – était plus grande que la moyenne. Elle est le seul exemple qui subsiste à l’Île-du-Prince-Édouard d’une construction vernaculaire acadienne remontant au 18e siècle. Elle illustre le mode de vie des Acadiens qui avaient échappé à la Déportation, dans les années 1750, qui avaient tout perdu et devaient repartir à zéro.

La maison déménagée en 1999 sur le site actuel a été restaurée en 2003. Grâce aux conseils des experts de Parcs Canada, les travaux qui l’ont ramenée à son état du 18e siècle en ont révélé la valeur exceptionnelle. Des guides-interprètes la font visiter et, à quelques reprises pendant l’été, des repas traditionnels acadiens et des concerts sont présentés à l’extérieur.

L’abbé Belcourt, un prêtre hors du commun

Le curé Belcourt a apporté d’autres améliorations à sa communauté pendant son passage à Rustico, entre 1859 et 1869. Il a fondé une école modèle pour former des enseignants francophones qui ont œuvré dans toutes les écoles acadiennes de l’île. Il a ouvert une bibliothèque et obtenu de l’empereur français Napoléon III de l’argent pour acheter des livres en français sur divers sujets. Constatant la pénurie de terres agricoles où la nouvelle génération pourrait s’établir, il a favorisé l’émigration vers les terres gratuites du Québec et du Nouveau-Brunswick. Il a aussi acheté et conduit la première automobile à vapeur de l’île en 1866. Ce prêtre visionnaire a aidé les Acadiens de Rustico à prendre leurs affaires en main, à hausser leur niveau de vie et à devenir autonomes.

La langue française à Rustico

La langue française était dominante à Rustico lorsque l’abbé Belcourt y est arrivé en 1859. Il en va autrement aujourd’hui, alors que l’anglais est d’usage courant parmi les descendants acadiens. Mais il existe suffisamment d’« ayants droit » et de volonté de renouer avec le français pour avoir obtenu l’ouverture d’une école française qui, jumelée au centre communautaire acadien Grand-Rustico que fréquentent les aînés qui parlent encore le français, pourrait relancer la pratique de la langue française dans la région et sauver ce précieux patrimoine linguistique des Acadiens.

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