Isle Madame, une communauté acadienne ancrée dans la mer

Les habitants de l’Isle Madame, située au sud-ouest de l’île du Cap-Breton, ont toujours vécu et vivent encore principalement de la pêche. Après les pionniers basques qui ont nommé plusieurs lieux de l’île, comme Petit-de-Grat et Arichat, les Acadiens s’y sont établis de manière permanente. Après avoir connu une période de prospérité au temps de la Nouvelle-France, l’épisode de la Déportation a bouleversé leur existence. Le commerce maritime et la construction navale se sont ensuite ajoutés à la pêche et ont stimulé l’économie et le peuplement. L’Isle Madame compte aujourd’hui 4000 habitants, en majorité des Acadiens, qui ont conservé plusieurs traditions et un savoureux accent. Au cœur de beaux paysages maritimes, le centre culturel communautaire La Picasse de Petit-de-Grat anime la vie culturelle et sociale en français, avec sa salle de spectacle, sa boutique d’artisanat, son centre de généalogie et son bureau d’information touristique. Le musée de la Forge LeNoir à Arichat met en valeur l’importante activité de construction navale à l’île. Les amateurs de plein air, de quiétude et de fruits de mer apprécieront particulièrement l’Isle Madame.

Pour en savoir plus…

Prendre son temps comme autrefois

On trouve à l’Isle Madame quelques auberges et gîtes du passant, quelques restaurants et cafés sympathiques, quelques poissonneries pour s’approvisionner en poissons et fruits de mer et presque partout une vue panoramique sur la mer. Pour les visiteurs, cette île est un havre de paix. Les Acadiens y ont conservé un riche patrimoine culturel immatériel : chansons, musique et danse, savoir-faire artisanaux et l’accent unique de leurs ancêtres, même si l’usage du français a reculé à cause d’une longue période d’éducation obligatoire en anglais qui a pris fin en 1981. On trouve à l’Isle Madame des usages traditionnels rares comme le recours à des sobriquets pour différencier les branches des deux familles dominantes des Samson et des Boudreau ; des sobriquets comme Ayouche, Catou (une contraction de « qui a tout ») ou Madouesse (qui veut dire porc-épic en langue micmaque). On peut aussi y pratiquer en toute sérénité plusieurs activités de plein air : voile, kayak, plongée sous-marine (une douzaine d’épaves gisent dans les environs), vélo ou randonnée pédestre.

Centre La Picasse, Festival acadien et Forge LeNoir

La mission du centre communautaire culturel La Picasse est de promouvoir l’épanouissement de la langue française et la vitalité de la culture acadienne. Il offre aux résidents une large gamme de services d’éducation et d’animation et accueille les visiteurs. Sa boutique propose divers produits et œuvres d’artistes et d’artisans de souche acadienne. Son bureau d’information touristique offre plusieurs renseignements sur l’île et la région. Les spectacles d’artistes locaux présentés dans sa salle de 375 places (ainsi qu’ailleurs sur l’île) sont ouverts à tous. La Picasse organise également la Fête nationale acadienne du 15 août, qui clôt le Festival acadien de Petit-de-Grat que soutiennent de nombreux bénévoles.

Ce festival commence par un spectacle musical. Diverses activités se succèdent ensuite pendant quelques jours : ateliers artistiques, souper acadien, soirée de contes, feux d’artifice, danse et tournoi de balle molle intergénérationnel. Une activité très originale gagne sans cesse en popularité : le tournoi de pêche aux requins, dont certaines espèces ne sont pas rares dans les eaux canadiennes. Plus d’une centaine de pêcheurs participent à l’événement. Lorsqu’ils rentrent au quai, vers 16h, un jury mesure et pèse les prises et récompense les meilleurs pêcheurs. Chaque année, entre 10 et 35 requins sont capturés, principalement des requins bleus et quelques requins-taupes communs. Les scientifiques du Centre de recherche marine du campus Petit-de-Grat de l’Université Sainte-Anne profitent de l’occasion pour recueillir des données et renseigner le public.

Situé à Arichat, le musée de la Forge LeNoir, construite en 1793 par les Français Thomas et Simon LeNoir, donne des ateliers et des démonstrations du travail de la forge. Les outils utilisés et les objets fabriqués dans cette forge navale y sont également exposés. La forge est l’attraction principale d’un petit parc historique où se retrouvent également d’anciens entrepôts maritimes, une agora et des panneaux d’interprétation qui racontent l’histoire de l’île.

Quelques repères historiques

D’abord fréquentée par des Micmacs, des Basques et des Acadiens de passage, cette île nommée Madame en l’honneur de Madame de Maintenon, seconde épouse du roi Louis XIV, voit son premier résident permanent s’y établir en 1713. En 1720, les sieurs d’Auteuil et Jaubert y implantent la seigneurie de Marichat pour approvisionner Louisbourg en produits de la ferme, en poisson et en bois. Entre 1713 et 1758, les habitants de l’Isle Madame participent à un commerce florissant avec Louisbourg et Boston.

Pendant la Déportation (de 1755 à 1763), les habitants de l’île échappent aux troupes britanniques grâce à leur mobilité. Ils vont en chaloupe se réfugier auprès de leurs alliés micmacs dans les forêts de l’île du Cap-Breton. En 1758 cependant, les Britanniques incendient tous les établissements de l’île et les Acadiens se dispersent. Certains reviennent à partir de 1765 et travaillent comme pêcheurs pour la compagnie Robin. Leurs conditions de vie sont très dures. On surnomme les habitants de Petit-de-Grat « mangeux d’arêtes » parce qu’ils ne peuvent ramener chez eux que l’épine dorsale et la tête des morues qu’ils capturent, la compagnie Robin se réservant toute la chair, qui est découpée en filets, puis salée et séchée pour être vendue sur les lucratifs marchés de l’Europe ou des Antilles.

De 1840 à 1890, l’Isle Madame devient un centre de transit de marchandises entre les navires en provenance des Antilles et des États-Unis, et ceux en partance pour l’Europe. Dans le havre d’Arichat, on compte parfois une centaine de voiliers. Quelques chantiers navals font de la construction et de la réparation (notamment la forge LeNoir). L’Isle Madame devient alors un centre acadien si important qu’en 1900, la quatrième Convention nationale acadienne se déroule à Arichat.

Cette communauté acadienne traverse une période difficile au début du 20e siècle, avec la fin de la navigation à voile et des navires en bois. Elle se relève ensuite de l’effondrement de la pêche à la morue survenu au début des années 1990. L’Université Sainte-Anne ouvre alors un campus satellite à Petit-de-Grat, afin de diversifier l’économie de l’île. Son Centre de recherche marine contribue notamment au développement des pêches au crabe, au homard et à la crevette, ainsi qu’à l’aquaculture dans une perspective durable. Les nouveaux locaux du Centre communautaire culturel La Picasse sont inaugurés en 1997.

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