Chéticamp, l’Acadie traditionnelle aux portes d’un splendide parc naturel
Les Acadiens de Chéticamp s’établissent dans cette région spectaculaire à partir de 1782 pour pêcher dans les eaux poissonneuses des environs. La pêche occupe toujours une place centrale dans l’économie locale, mais le tourisme a pris de plus en plus d’importance avec la création du parc national des Hautes-terres-du-Cap-Breton en 1936. Postés à l’entrée nord de ce parc, les Chéticantins accueillent aujourd’hui les visiteurs avec chaleur. À travers leurs festivals, musée, centre d’interprétation et manifestations diverses, ils partagent la culture acadienne propre à leur région : langue et accent, contes et légendes, musique et danse, fête de la Mi-Carême et tapis hookés, réputés pour l’excellence de leur technique de fabrication artisanale.
Pour en savoir plus…
Célébrer le patrimoine culturel
Située à l’extrémité nord-est de la Nouvelle-Écosse, dans une région isolée reconnue pour son paysage de mer et de montagnes d’une beauté exceptionnelle, Chéticamp est une localité animée. Plusieurs activités culturelles s’y déroulent tout au cours de l’été, parfois en collaboration avec le parc des Hautes-terres-du-Cap-Breton, situé tout près. Celles-ci mettent à l’honneur la langue et l’accent acadiens spécifiques à Chéticamp, une localité qui est restée longtemps protégée des influences externes, ainsi que la musique, les danses et les contes traditionnels acadiens.
Le Festival de l’Escaouette, créé en 1976, est l’événement culturel et festif le plus important de l’été. Le festival Racines et bottines, plus récent, conjugue quant à lui la culture, la nature et l’alimentation. Au mois de mars de chaque année se déroule pendant une semaine le festival Masque et mer de la Mi-Carême, issu d’une vieille tradition qui n’est plus aujourd’hui célébrée qu’à quelques rares endroits, entre autres à Chéticamp et à Saint-Joseph-du-Moine, le village voisin. Il existe aussi un centre d’interprétation de la Mi-Carême entre ces deux villages, au Havre de Grand-Étang, pour ceux qui désirent s’informer du sens et de l’ambiance de cette fête costumée exubérante quand elle ne bat pas son plein. On peut même s’y inscrire à un atelier de fabrication de masques de la Mi-Carême.
Les tapis hookés de Chéticamp, un artisanat et un art
Chéticamp est également réputé pour la fabrication de tapis hookés, c’est-à-dire de tapis faits au crochet, en laine, sur support de jute. Ce terme dérivé de l’anglais désigne ce produit spécifique, fabriqué à Chéticamp et à quelques autres endroits de l’Acadie, distinct des autres tapis crochetés.
Ces tapis décoratifs ont pour origine les tapis domestiques que fabriquaient de façon soignée les ménagères de Chéticamp. Mais à la fin des années 1920, l’artiste new-yorkaise Lilian Burke, qui passait l’été à Baddeck dans la famille d’Alexander Graham Bell, l’inventeur du téléphone, cherchait à relancer la vente de produits artisanaux dont elle s’occupait pendant son séjour. Elle remarque la qualité des tapis crochetés de Chéticamp et convainc les artisanes locales d’améliorer leur technique. Avec l’aide de Marie-Jeanne Doucet, une artisane de Chéticamp, elle développe ce savoir-faire à grande échelle et le hausse au niveau d’un art visuel à part entière : motifs élaborés, grande expressivité des personnages, finesse des détails, couleurs multiples, éclatantes et subtiles. Lilian Burke en vendra beaucoup dans sa galerie d’art de New York.
La forte demande pour les tapis hookés de Chéticamp en accroît la production. Les artisanes en crochètent par centaines au fil des années. Les plus grands d’entre eux, qui couvrent un mur entier, nécessitent la collaboration d’une dizaine de hookeuses. Ces tapis stimulent l’économie du village et attirent des touristes. Quand les artisanes réalisent la réelle valeur économique de leur activité, elles réclament une augmentation de salaire et s’organisent en coopératives. Certaines ouvrent leur propre boutique. Aujourd’hui, cette pratique traditionnelle se perpétue, bien qu’elle soit en perte de vitesse. Au Centre culturel des Trois Pignons, des tapis hookés remarquables sont exposés. On peut s’y renseigner sur leur histoire et leur technique de fabrication.
L’inspirant parcours des Chéticantins
Les pêcheurs qui s’établissent à Chéticamp à la fin du 18e siècle travaillent tous pour la Compagnie Robin. Comme partout ailleurs, cette compagnie jersiaise exploite sa main-d’œuvre en lui versant un salaire de misère, en coupons que les pêcheurs ne peuvent échanger que dans les magasins de la Robin. Plusieurs s’endettent d’année en année et vivent dans la misère. Seuls quelques pêcheurs acquièrent leur propre goélette et peuvent vendre leur poisson ailleurs, à meilleur prix.
La situation s’améliore un peu à la fin du 19e siècle avec la diversification des pêches – le homard s’ajoutant à la morue – et la brève exploitation d’une mine. Les véritables améliorations surviennent à partir de 1915, quand quelques personnes fondent la première coopérative de pêcheurs en Amérique du Nord.
L’interruption brutale de la pêche à la morue, en 1992, causée par l’effondrement des stocks, puis la fermeture de la seule usine de transformation de poisson en 2006 portent un dur coup à l’économie. Les Chéticantins se relèvent néanmoins les manches et misent sur le développement du secteur touristique, ainsi que sur la lucrative pêche au crabe, deux secteurs qui se portent bien aujourd’hui.