Boréalis, fascinant centre d’histoire de l’industrie papetière à Trois-Rivières
Le patrimoine mémoriel des travailleurs de l’usine de la Canadian International Paper (CIP), à Trois-Rivières, est au cœur de la mission de Boréalis. Son approche confère à l’histoire de la « capitale mondiale du papier » un caractère extraordinairement vivant. Boréalis loge dans la station de pompage et de filtration d’eau de l’immense usine de la CIP qui a été presque entièrement démolie au début des années 2000. Dans ce précieux témoin du patrimoine industriel du Québec, qui a été préservé avec une grande partie de son équipement, des témoignages audio et vidéo, des artéfacts et des œuvres d’art mettent les visiteurs en contact avec le vécu des ouvriers qui y travaillaient entre 1920 et 2000 : leur savoir-faire, leurs joies, leurs peines, leurs outils, et même les tours qu’ils se jouaient. Cette approche novatrice ravit les visiteurs et a valu de nombreux prix à Boréalis.
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L’art de mettre en valeur le patrimoine industriel, tant matériel qu’immatériel
Les responsables de Boréalis, établi dans le seul bâtiment qui subsiste de ce qui fut la plus grande papeterie au monde, lors des phases finales de sa construction en 1925, avaient résolu d’en faire un centre d’histoire attrayant et chaleureux. Pour y parvenir, ils ont misé sur les dimensions humaines de l’aventure papetière à Trois-Rivières et n’ont pas eu peur d’innover.
L’exposition permanente révèle le fonctionnement de cette station de pompage et de filtration de toute l’eau nécessaire à la fabrication des 700 tonnes de papier que produisait l’usine chaque jour, soit l’équivalent d’une centaine de piscines olympiques. Elle inclut plusieurs témoignages vidéo de travailleurs, des extraits de journaux d’époque, des artéfacts – dont une machine à papier utilisée pour la formation des ouvriers –, des œuvres d’art et les étranges voûtes d’un vaste réservoir d’eau souterrain. Une exposition temporaire se déploie à l’extérieur sur une esplanade qu’ombrage une pergola, dont le toit reproduit des bandes de papier journal circulant dans les rouleaux d’une machine à papier. Des visites interactives sont aussi au programme, notamment le Passage 5S qui stimule les cinq sens et fait découvrir les conditions de travail des ouvriers de l’usine. Un atelier de fabrication de papier et un jeu de découverte historique se déroulant dans le réservoir souterrain sont également offerts.
Rayonner dans son milieu comme la CIP
Les expositions de Boréalis reposent en bonne partie sur un patrimoine immatériel en voie de disparition : le savoir-faire ancien des ouvriers et leur expérience de vie à l’usine et à l’extérieur de l’usine, au cours du 20e siècle. Pour les alimenter, on a réalisé une série d’entrevues auprès des personnes qui occupaient des emplois reliés à la production du papier, tant à Trois-Rivières que dans le nord de l’Ontario et dans l’ouest du Nouveau-Brunswick. Comme le travail à l’usine fait partie d’une chaîne qui commence en forêt, avec la coupe du bois, et se poursuit dans le transport des billots jusqu’à l’usine, avec l’intervention des draveurs, les équipes d’enquêteurs ont couvert tout ce processus de production. Boréalis peut ainsi illustrer des façons de faire qui ont largement disparu avec l’évolution technologique et renouveler ses expositions. Cette banque de témoignages permet déjà d’inclure chaque année un thème différent dans l’exposition permanente et de planifier diverses expositions temporaires.
Boréalis propose également un parcours urbain sur le site de l’ancienne usine démolie et dans le quartier voisin Sainte-Cécile où habitaient un grand nombre d’ouvriers. Ce parcours immersif ponctué de témoignages, d’anecdotes et d’ambiances sonores, diffusé sur des iPod que fournit Boréalis, raconte l’histoire de l’usine et du quartier ouvrier. Dans un esprit semblable à celui de la CIP, qui mettait sur pied des activités sportives et culturelles pour ses employés, Boréalis se veut aussi un lieu de culture et de loisir diversifié. Il offre une série de concerts jazz hebdomadaires et des conférences à teneur culinaire en saison estivale. Son restaurant-terrasse, ouvert de jour comme de soir durant l’été, est aussi très fréquenté.
Pourquoi tant de papier à Trois-Rivières ?
En visitant Boréalis, on comprend pourquoi Trois-Rivières est devenue la capitale mondiale du papier au début du 20e siècle. Les usines étaient situées à l’embouchure de la rivière Saint-Maurice, au confluent du fleuve Saint-Laurent. Cet emplacement garantissait un approvisionnement abondant en bois à partir des vastes forêts de la Mauricie, un transport facile du bois à pâte sur la grande rivière Saint-Maurice jusqu’aux usines, par flottage, et l’expédition de grandes quantités de papier par bateau, via le fleuve Saint-Laurent, jusqu’aux villes populeuses du nord-est des États-Unis. Car c’est à New York, Boston ou Philadelphie que la majorité du papier journal produit à Trois-Rivières servait à imprimer les quotidiens.
Trois autres facteurs ont propulsé la production de papier québécoise à des sommets historiques. En 1910, le gouvernement de la province interdit l’exportation de bois à pâte prélevé sur les terres de la Couronne. Il faut désormais produire le papier ici. En 1913, le gouvernement des États-Unis abolit les droits de douane sur le papier journal en provenance du Canada. Sans compter que la main-d’œuvre canadienne-française est abondante, vaillante et bon marché. Les Américains investissent donc des sommes importantes pour construire des usines de papier au Québec afin de profiter de ces avantages. Trois-Rivières est l’un des emplacements les plus favorables. Au tournant des années 2000, la révolution numérique fait progressivement diminuer la demande en papier journal et plusieurs usines doivent fermer leurs portes.
Boréalis est situé dans le site du patrimoine de l’usine de filtration de la Canadian International Paper cité par la Ville de Trois-Rivières. Un site inscrit à l’Inventaire des sites archéologiques du Québec est associé au lieu.