«À la Chandeleur, l’hiver se meurt ou prend vigueur.»

La Chandeleur et le jour de la marmotte annoncent, chacun à leur façon, l’arrivée prochaine du printemps. En fêtant la Chandeleur, le 2 février, les colons établis en Amérique du Nord espéraient que les ours sortent de leur tanière et signalent ainsi l’arrivée précoce du printemps.

Voyage au cœur de deux traditions installées à mi-chemin entre le solstice d’hiver et l’équinoxe du printemps.

Une assiette pleine de crêpes couvertes de sucre

Source : Juantiages, Wikimedia Commons

La Chandeleur : la fête aux crêpes!

La Chandeleur, aux origines païennes puis religieuses, constitue encore l’une des plus grandes fêtes communautaires de l’année.

Et elle repose sur un plat tout simple, mais symbole de prospérité : la crêpe!

Jadis, de jeunes gens passaient de porte en porte pour accumuler des vivres pour la préparation d’un repas copieux, à la mesure des excédents de provisions de l’hiver – farine, sucre, lard, viande de porc. «La troupe entrait, prenait possession de la cuisine, exécutait danses et chansons, recueillait la nourriture et partait en entonnant un couplet de remerciement», nous apprend l’historien Georges Arsenault, auteur de La Chandeleur en Acadie (cité dans la revue Rabaska). Puis, dans une grande cuisine, parents, voisins, amis faisaient — et font encore — leur part pour préparer un grand repas. Souvent, une famille dont les réserves sont en souffrance profitait des restes.

La tradition de la Chandeleur, avec ou sans marmotte, demeure bien ancrée en France, en Belgique et en Acadie, en particulier dans la région d’Inverness en Nouvelle-Écosse et dans la péninsule de Port-au-Port, à Terre-Neuve.

Une personne couvre une montagne de crêpes rondes de sirop d'érable.

Les crêpes – ou pancakes – de la Sugar Moon Farm à Earltown. Photo : Jessica Emin pour Taste of Nova Scotia

De la Chandeleur à la marmotte

Remontons encore dans le temps. Dans d’anciennes traditions européennes, allemandes en particulier, la Chandeleur était l’occasion d’observer la faune : «les ours sortent de leurs grottes le 2 février pour connaître le temps qu’il fait. S’il fait beau, ils mettent fin à leur hibernation», explique Patrimoine TNL. La marmotte étant courante en Amérique du Nord, c’est sur cette petite bête que les colons nord-américains arrêtent leur choix.

C’est le lien entre la Chandeleur et le jour de la marmotte!

En Amérique du Nord, les premières traces du jour de la marmotte remontent à 1887 et sont localisées en Pennsylvanie, dans la communauté de Punxsutawney, à forte population allemande. Et son rôle n’est pas si loufoque : les hivers étant durs, les colons espéraient souvent un printemps hâtif pour entreprendre les travaux, selon l’Encyclopédie canadienne.

Et la tradition perdure à Punxsutawney, avec la sortie annuelle de Phil la marmotte. De nombreuses autres collectivités joignent le pas, le 2 février.

La recette est sensiblement la même partout : une marmotte domestiquée et attitrée doit sortir de son terrier. S’il fait sombre, la marmotte ne peut pas voir son ombre; c’est là un signe annonciateur du printemps. Si le soleil est assez fort pour créer une ombre, l’hiver se prolongera jusqu’à la mi-mars. Mais soyons réalistes : il est rare que le printemps météorologique s’installe avant la mi-mars…

Qu’importe le résultat : une fois que la marmotte est retournée dans son terrier… on mange des crêpes!

Il s’agit bien ici d’une photo de marmotte… mais pas prise le 2 février! Photo : Gilles Gonthier sur Flickr

La fatigue de l’hiver

Les deux fêtes ont donc comme lieu commun la fatigue de l’hiver.

Au Canada, on suit de près l’activité de nombreuses marmottes, souvent hébergées dans des refuges. Les plus populaires sont Shubenacadie Sam, Fred de Val-d’Espoir (en Gaspésie), Wiarton Willie en Ontario (une marmotte albinos, jusqu’en 2020) et Merv de Stonewall au Manitoba.

Merv est une marmotte en peluche hébergée dans un centre d’interprétation. Il y a une présentation en français dans le cadre de la journée mondiale des milieux humides et du jour de la marmotte.

S’ajoutent les marmottes de l’île du Cap-Breton (Tunnel) en Nouvelle-Écosse, d’Oil Springs (Harvey) en Ontario, de Balzac (la mascotte Billy) en Alberta, puis enfin de la vallée de l’Okanagan (Okie, aussi en peluche) et de l’île de Vancouver (Violet) en Colombie-Britannique. Même un homard (Lucy) est mis à contribution pour prédire si le printemps sera hâtif, en Nouvelle-Écosse.

À Wiarton, un parc est consacré à Willie la marmotte. Photo : Kevin M Klerks sur Wikimedia Commons

Faire bombance : la Chandeleur, la Mi-Carême et la fête des mummers

Pour des raisons psychologiques, la Chandeleur permet de faire bombance. «Dans les saloirs, la cuisinière a atteint le morceau de porc qui a conservé la queue, sorte de ligne de démarcation qui sépare l’hiver en deux.» Ce faisant, elle regardait par la fenêtre pour voir si la marmotte se sortait le bout du nez.

«Il est vital de relâcher la tension alimentaire pour ne pas sombrer dans la déprime en s’adonnant à la surconsommation périodique qui fait oublier un instant le joug de la privation», exprime Georges Arsenault ici.

Un peu dans le même objectif, une tradition haute en couleur suit la Chandeleur, en mars  : la Mi-Carême, encore célébrée à certains endroits en Acadie, notamment en Nouvelle-Écosse. La première description nord-américaine remonte à 1888, l’année suivant le premier jour de la marmotte! Mais en Nouvelle-Écosse, on croit que la tradition est ancrée depuis 1785!

Une personne est masuquée. Le masque blanc, beige, est décorée de fins sourcils noirs, de cil et d'un rouge à lèvre écarlate. L personne porte une perruqye noir et rouge et un col roulé noir. On devine ses yeux et un bout de nuque, c'est tout.

À Grand-Étang, en Nouvelle-Écosse, on célèbre la Mi-Carême en grand! Photo : Michel Soucy

D’origine française, on la célèbre au milieu du carême, une période de privation et de pénitence d’une durée de sept semaines qu’observent les catholiques. La tradition de la Mi-Carême a grandement évolué, mais résumons-la comme suit : c’est une cousine éloignée de l’Halloween. Elle permet un moment de répit, de fête, et permet de manger des friandises!

C’était autrefois, comme le veut la Chandeleur, l’affaire des jeunes hommes. Les coureurs se costumaient de vieux vêtements et allaient fêter, danser, manger chez des voisins. Le défi : ne pas se faire reconnaître. Pour se familiariser avec la fête, Salut Canada a préparé une vidéo sur la Mi-Carême, il y a quelques années!

Au Centre de la Mi-Carême à Grand-Étang, en Nouvelle-Écosse, la fête connaît encore de belles années. En 2023, elle fait un grand retour du 12 au 16 mars, après une absence de 2 ans et fera vibrer Chéticamp, Saint-Joseph-du-Moine et Grand-Étang!

À son tour, la Mi-Carême rappelle la fête des mummers, d’origine britannique, encore célébrée à Terre-Neuve-et-Labrador (à voir en images ici) du lendemain de Noël à l’Épiphanie. On se déguise et, en petit groupe, on présente des saynètes dramatiques d’une maison à l’autre. Populaire il y a près de 200 ans, elle connaît un regain depuis 25 ans, selon Patrimoine TNL.

Une enfant semble donner un bisou à une personne de sataille, costumé en cheval, devant des cabanon de bois peints de bleu et de vert

Un costume de mummer, à Bay De Verde, dans Avalon, à Terre-Neuve-et-Labrador. Photo : Barrett & MacKay pour Newfoundland and Labrador Tourism

Un dernier mot sur la Chandeleur

Attention, si vous décidez de souligner la journée en mangeant des crêpes : Georges Arseneault nous rappelle de coller «la première crêpe de la Chandeleur dans le fond d’une armoire» pour éviter les poux ou la gale. Aussi, vaut mieux ne pas manger la dernière crêpe, puisque c’est celle qui assure une bonne récolte.

Bon festin, bonne fin d’hiver!

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POUR EN SAVOIR PLUS :

Sur le jour de la Marmotte : l’Encyclopédie canadienne

Sur la Mi-Carême : L’encyclopédie du patrimoine culturel de l’Amérique française (Georges Arsenault); Centre de la Mi-Carême de Grand-Étang

À consulter : Arsenault, Georges. La Chandeleur en Acadie. Tracadie-Sheila (Nouveau-Brunswick), Éditions La Grande Marée, 2011, 142 p. ou le compte rendu de Bertrand Bergeron paru dans la revue d’ethnologie Rabaska.