La communauté francophone du Yukon, une présence en or

La communauté francophone du Yukon est en croissance depuis plusieurs années. Elle compte aujourd’hui quelque 1815 personnes de langue maternelle française (selon le recensement de 2016) qui habitent en majorité dans la capitale Whitehorse, où l’on trouve une large gamme de services en français. Cette communauté francophone, dont neuf membres sur dix proviennent d’autres régions du Canada ou de l’extérieur du pays, représente 5,1 % de la population. L’Association franco-yukonnaise anime cette communauté, distincte des pionniers francophones qui font partie des premiers habitants d’origine européenne à occuper le territoire traditionnel des Dénés, des Gwich’ins et des Tlingit, à l’époque de la traite des fourrures. Un grand nombre de francophones ont également participé à la ruée vers l’or du Klondike. La plupart de ces pionniers ont quitté le Yukon ou se sont anglicisés, en l’absence prolongée d’infrastructures francophones.

Whitehorse en français

Un total de 1495 francophones habitent la ville ou les environs de Whitehorse. Plusieurs d’entre eux participent aux cafés-rencontres, qui ont lieu tous les vendredis au Centre de la francophonie où logent l’Association franco-yukonnaise, le journal francophone L’Aurore boréale et les EssentiElles, l’organisme porte-parole des femmes francophones du Yukon. Ils se rencontrent aussi au Baked Cafe, qui est un peu le carrefour informel des francophones, ou encore, un jeudi par mois, ils assistent au cinq à sept en musique où les musiciens francophones de la région se produisent au Baked Cafe.

Les francophones bénéficient d’une garderie, de l’école primaire Émilie-Tremblay et de l’école secondaire Académie Parhélie, ainsi que de l’école Nomade, qui offre de l’enseignement à domicile en français de la 1re à la 12e année. Le journal bimensuel francophone L’Aurore boréale les informe, un tabloïd tiré à 1000 exemplaires qui est distribué aux abonnés ou en kiosque à Whitehorse et à Dawson City. Chaque samedi durant une heure, l’émission de radio Rencontres, sur les ondes de Radio-Canada, complète l’information en français sur l’actualité yukonnaise.

Le service Arts et culture de l’Association franco-yukonnaise élabore une programmation culturelle variée pour offrir du temps de loisir en français à la population, promouvoir les artistes locaux et renforcer l’identité francophone. Parmi les événements réguliers, on note le spectacle Onde de choc présenté au Centre des arts du Yukon, regroupant des artistes franco-yukonnais de diverses disciplines. À Whitehorse et à Dawson, on célèbre la journée de la francophonie yukonnaise tous les 15 mai. La journée Cabane à sucre, qui se déroule durant le carnaval d’hiver Sourdough Rendez-vous de Whitehorse, est aussi très populaire.

Une communauté qui se prend en main

Au milieu du 20e siècle, l’assimilation des francophones à la majorité anglophone était difficile à freiner. Grâce à l’initiative de quelques militants, un premier noyau de francophones se regroupe en association en 1979 pour mettre sur pied des services indispensables à l’épanouissement de la langue et de la culture françaises. L’Association franco-yukonnaise s’incorpore en 1982 et, rapidement, joue un rôle déterminant dans le développement de la communauté. À cette époque, les Franco-Yukonnais ne représentaient que 2,4 % de la population, alors qu’aujourd’hui, ils forment 5,1 % des quelque 35 555 habitants du Yukon.

La mission de l’Association franco-yukonnaise est d’assurer, avec ses partenaires, la création et le développement des services, activités et institutions nécessaires au plein épanouissement des francophones du Yukon. Avec sa trentaine d’employés permanents et contractuels, elle favorise la concertation et la collaboration avec les intervenants des secteurs communautaire, gouvernemental et privé dans le but d’assurer un développement durable de la communauté franco-yukonnaise. Sur le plan de l’éducation, elle a obtenu la création de la Commission scolaire francophone du Yukon no 23 en 1996, qui est responsable de l’éducation en français langue première sur tout le territoire. La croissance constante des inscriptions à l’école Émilie-Tremblay, à l’Académie Parhélie et à l’école Nomade a fini par convaincre le gouvernement du Yukon d’agrandir l’école primaire et de construire une nouvelle école secondaire francophone à Whitehorse.

On observe aussi une croissance des personnes bilingues (anglais-français), qui représentaient 13,8 % de la population en 2016, le pourcentage le plus élevé de la francophonie canadienne en situation minoritaire après le Nouveau-Brunswick.

Les pionniers francophones, premiers habitants d’origine européenne du Yukon

Comme l’Alaska, le Yukon a été peuplé par des peuples de provenance asiatique, selon l’hypothèse d’un peuplement par le détroit de Béring. Les plus vieux vestiges archéologiques remontent à plus de 12 000 ans.

Les Canadiens français et Métis francophones d’expérience qui travaillaient pour la Compagnie de la Baie d’Hudson font partie des premiers habitants d’origine européenne à circuler sur le territoire actuel du Yukon. En 1840, plusieurs d’entre eux accompagnent Robert Campbell dans ses explorations du fleuve Yukon et de la rivière Pelly. Campbell nommera d’ailleurs plusieurs lieux géographiques en l’honneur de ces francophones.

François-Xavier Mercier, qui se prétendait roi du commerce des fourrures en Alaska et au Yukon dans la seconde moitié du 19e siècle, est né au Bas-Canada (au Québec actuel). Au début des années 1870, en tant qu’agent général de l’Alaska Commercial Company, il supervise l’établissement de comptoirs commerciaux au Yukon, qu’il approvisionne avec un bateau à vapeur à partir de l’embouchure du fleuve Yukon, en Alaska. Il est le premier à utiliser cette voie, plutôt que la difficile route d’eau Mackenzie-Porcupine. Avec son associé, Jack McQuesten, il fonde le Fort Reliance en 1874, tout près de l’actuelle ville de Dawson. C’est autour de ce poste de traite des fourrures que les premiers filons d’or du Klondike seront découverts dans les années 1880. C’est aussi François-Xavier Mercier qui suggère dans une lettre à sa famille demeurée au Québec que les missionnaires oblats seraient les bienvenus dans cette région. Ceux-ci, avec d’autres communautés religieuses francophones, joueront un rôle important en éducation et en santé au Yukon.

Dès les années 1880, puis au plus fort de la ruée vers l’or du Klondike, de 1896 à 1900, environ 3000 francophones participent à cette fièvre qui amène plus de 30 000 personnes dans la région de la rivière Klondike et dans la ville de Dawson, fondée par le Franco-Américain Joseph Ladue. Cette population de chercheurs d’or diminue cependant rapidement. En 1921, il ne reste plus que 4 157 personnes au Yukon. La population recommence à croître pendant la Seconde Guerre mondiale, lorsqu’une route est construite pour faire face à une possible invasion japonaise. Ce n’est qu’en 1991 que le nombre de Yukonnais atteindra le même niveau qu’en pleine ruée vers l’or.

Aujourd’hui, 76 % de la population du Yukon est d’origine européenne, en majorité anglophone. Les quelque 7500 Autochtones vivent eux aussi surtout à Whitehorse et dans les environs. Il reste peu de traces des pionniers francophones. L’école Émilie-Tremblay, à Whitehorse, porte ce nom en l’honneur d’une des premières femmes « blanches » à traverser la piste Chilkoot pour atteindre les sites aurifères et à s’établir au Yukon en 1894. Madame Tremblay a longtemps tenu une mercerie pour dames à Dawson, où son commerce fait partie des bâtiments préservés du lieu historique national de Dawson, géré par Parcs Canada, qui fait lui-même partie du parc historique international de la ruée vers l’or du Klondike.