Pulperie de Chicoutimi, un patrimoine industriel exceptionnel
La Pulperie de Chicoutimi, située sur la berge de la rivière Chicoutimi à un kilomètre en amont de la rivière Saguenay, rappelle l’apogée de l’industrie des pâtes et papiers au Québec, au tournant des 19e et 20e siècles. Dans un écrin naturel d’une trentaine d’hectares remarquablement préservés, les bâtiments de pierre d’une grande beauté, les expositions et le circuit d’interprétation proposent au visiteur une incursion dans l’histoire de ce patrimoine industriel canadien-français, mais aussi dans la vie économique et culturelle saguenéenne. On y trouve également un complexe hydroélectrique encore en utilisation, ce qui ajoute à l’intérêt de la visite. Ce splendide site, préservé et mis en valeur par la Corporation de la Vieille Pulperie de Chicoutimi, est un site patrimonial classé par le ministère de la Culture et des Communications du Québec.
Pour en savoir plus…
Découvrir l’histoire des pâtes et papiers
La visite de la Pulperie est l’occasion de découvrir tout un complexe de structures et de bâtiments de pierre littéralement encastrés à flanc de rivière. Le Jardin des Vestiges comporte les moulins à pâtes et papiers construits en 1898 et en 1912, balisés par un circuit d’interprétation. Des spectacles sont présentés en saison estivale au milieu de ces chefs-d’œuvre du patrimoine architectural industriel. À l’intérieur du bâtiment principal de la Pulperie se trouve une exposition consacrée à l’histoire de ses travailleurs et des divers procédés de fabrication de la pâte à papier, notamment un film de 1915 montrant les étapes de la production, depuis le sciage, l’écorçage, le défibrage, le pressage jusqu’à la mise en ballots et l’expédition sur les marchés américains. Mais l’élément le plus saisissant est, sans contredit, la Maison Arthur-Villeneuve, qui a été déménagée à l’intérieur du musée en 1994. Les œuvres de ce peintre naïf, peintes à même les murs de cette maison-musée, racontent l’histoire de la région.
De l’eau, des arbres et des hommes
La localisation de la Pulperie n’est pas le fruit du hasard. À cet endroit, la topographie très accidentée et la forte dénivellation donnent à la rivière Chicoutimi un impressionnant pouvoir hydraulique (une capacité motrice de plus de 25 000 chevaux-vapeur), ce qui favorise l’installation d’une industrie demandant beaucoup d’énergie, tout en servant à l’électrification du site et de la ville elle-même.
La région est en outre riche en conifères, surtout de l’épinette, une essence recherchée pour la production de pâte à papier, tandis que la proximité de la voie maritime du Saguenay et de la ligne ferroviaire vers la ville de Québec va faciliter l’exportation de la pâte à papier.
Enfin, la Pulperie est située dans le quartier du Bassin, berceau de l’arrondissement Chicoutimi, une zone comportant une main-d’œuvre abondante. À son apogée, au début des années 1920, l’entreprise donne du travail à un millier d’ouvriers papetiers, en plus des centaines de travailleurs forestiers.
Une cathédrale industrielle
Fondée en 1896, la Pulperie est dirigée en majorité par des francophones, un cas exceptionnel dans l’industrie canadienne de cette époque. Le fait français sera d’ailleurs l’une des marques distinctives de la compagnie, tant dans la langue de travail et l’affichage que dans la tenue des livres. L’archivage des documents produits pendant que la Pulperie est en opération favorisera grandement la mise en valeur contemporaine du site.
Des ingénieurs et des ouvriers canadiens, américains, allemands, suédois et norvégiens sont embauchés entre 1897 et 1922 pour ériger une scierie, des ouvrages hydrauliques, une sous-station électrique, un atelier et quatre moulins (construits respectivement en 1898, 1903, 1912 et 1922), dont le dernier fonctionnant à l’électricité, témoignant de l’avant-gardisme de la Pulperie. Les structures de bois, de béton et d’acier sont aussi à la fine pointe des techniques de construction de l’époque. Une carrière locale fournit le granit requis pour la construction, ce qui donne aux bâtiments un caractère typiquement régional. Le style et le gabarit imposant des bâtiments, leurs volumes rectangulaires faits de murs en moellons, leurs fenêtres en arcs de cercle et leurs façades à pignons contribuent au prestige de l’entreprise, véritable cathédrale industrielle de Chicoutimi.
La Pulperie atteint immédiatement l’excellence, remportant même la médaille d’or à l’Exposition universelle de Paris en 1900 ! Dix ans plus tard, elle est la plus grande fabricante de pâte mécanique au Canada… et se classe au premier rang mondial une autre décennie plus tard, avec une production de quelque 400 tonnes par jour! Mais cet élan se casse abruptement : de mauvaises décisions, la banqueroute d’un de ses principaux clients et la forte concurrence la mènent à la faillite en 1924.