Les francophones profondément enracinés dans la région de Windsor
En 1701, les Français fondent Détroit, premier établissement permanent d’origine européenne à l’ouest de Montréal. De là, ils vont circuler régulièrement dans le bassin hydrographique du fleuve Mississippi et fonder quelques autres villages sur le territoire étatsunien actuel. À partir de 1749, des Français s’établissent aussi sur la rive sud de la rivière Détroit, dans la région actuelle de Windsor. La frontière tracée en 1796 entre le Canada et les États-Unis sépare en deux cette communauté francophone qui forme alors la majorité de la population de la région. Même s’ils deviennent minoritaires par la suite, les francophones qui habitent du côté canadien vont conserver leur langue et leur culture. L’exposition Racines françaises de Windsor du Musée de Windsor présente la longue histoire de cette communauté. Aujourd’hui, des écoles françaises, les activités du Centre communautaire francophone de Windsor-Essex-Kent, les célébrations du tricentenaire qui ont eu lieu en 2001 et des tours guidés révélant l’héritage francophone de Windsor perpétuent la présence française dans la région.
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Le patrimoine francophone du grand Windsor
Le Musée de Windsor est situé dans la maison François-Baby, déclarée lieu historique national du Canada en 1950. L’une des trois expositions permanentes de ce musée résume l’histoire trois fois centenaire des francophones de Windsor-Détroit. Les meubles et les objets anciens qui y sont exposés ont tous appartenu à des familles francophones. Les collections numérisées du Musée comprennent plus de 15 000 artéfacts et documents éclairant notamment le passé francophone de la région. Parmi les grandes étapes historiques que souligne cette exposition, mentionnons la création de la première paroisse en Ontario, celle de l’Assomption, en 1767, l’arrivée d’immigrants québécois entre 1830 et 1900 et l’émeute de 1917 provoquée par le règlement 17 qui interdisait l’éducation en français en Ontario.
L’héritage francophone se manifeste aussi dans l’aménagement urbain de Windsor, qui repose sur la division des terres à la française, en longues bandes étroites perpendiculaires à la rivière Détroit. Le père Potier, missionnaire et premier curé de l’Assomption, a aussi laissé un précieux héritage linguistique : un lexique de plus de 3000 mots recueillis principalement à Détroit entre 1743 et 1758. Il s’agit de la seule étude détaillée sur la langue française nord-américaine au 18e siècle. L’ethnologue et chansonnier Marcel Bénéteau a aussi recueilli plusieurs vieilles chansons du Détroit dont il a enregistré une sélection pour le plaisir des auditeurs d’aujourd’hui. Le tour guidé French Connection met en scène des personnages de la période de la Nouvelle-France transportés dans le Windsor actuel, une façon originale de mettre en valeur le patrimoine francophone.
Les célébrations du tricentenaire et l’avenir de la communauté
En 2001, la communauté francophone de la région de Windsor-Essex-Kent s’est mobilisée pour célébrer le tricentenaire de la fondation de Détroit. L’un des symboles choisis pour illustrer cette grande fête fut le poirier des jésuites, une variété dotée d’une extraordinaire longévité introduite par les missionnaires jésuites au 18e siècle et typique de la région. Ces poiriers géants sont cependant devenus rares. La communauté francophone a voulu souligner, par leur entremise, son enracinement ancien, sa volonté de traverser le temps et, en même temps, sa vulnérabilité. Car la communauté francophone de la région de Windsor est éloignée des populations francophones les plus nombreuses et les mieux organisées du nord et du nord-est de l’Ontario, et cet isolement relatif la rend plus fragile. Selon le recensement de 2016, les quelque 10 000 francophones du grand Windsor représentent 3,2 % de la population de cette agglomération, alors qu’à Sudbury, ils sont 40 000, soit 25,7 % de la population de cette ville.
Brève histoire de la communauté francophone de Windsor-Détroit
La fondation de Détroit, en 1701, avait pour but de développer le commerce des fourrures et de favoriser l’exploration du continent nord-américain. Malgré des débuts difficiles, l’initiative a porté fruit. En 1740, une centaine de familles françaises habitent Détroit. Vingt ans plus tard, 60 familles supplémentaires sont établies du côté sud de la rivière, sur le territoire qui deviendra canadien, et elles passent à 150 en 1794. Des observateurs qualifient de relâchées les mœurs de cette population. Les veillées qu’elle organise font sensation et attirent même les officiers britanniques du fort Détroit. La pêche, la chasse et la traite de fourrures l’emportent sur l’agriculture comme moyens de subsistance, à l’exception de la culture maraîchère, qui demande une plus petite surface défrichée. Les vergers sont également populaires, notamment ceux de poiriers des jésuites. Les relations entre les communautés francophones du Canada et des États-Unis demeurent étroites, vu leur proximité, ainsi qu’avec les Autochtones, en raison du partenariat historique de la traite des fourrures qui les unit depuis longtemps.
En 1801, le clergé crée deux nouvelles paroisses, Saint-Jean-Baptiste et Saint-Pierre, pour desservir la population catholique francophone croissante. C’est alors que survient le point de bascule. La forte immigration britannique submerge en quelques années les francophones de l’ensemble du Haut-Canada, incluant la région de Windsor où ils sont concentrés. Les partenaires amérindiens se déplacent vers l’ouest après la guerre de 1812 pour fuir l’afflux de colons britanniques qui leur sont hostiles. En 1820, le Haut-Canada compte environ 4000 francophones sur une population totale de 120 000 habitants. Les francophones de la région de Windsor-Détroit se retrouvent en situation minoritaire pour toujours. La famille Baby fait figure d’exception, entre autres François Baby, né à Détroit en 1768, qui occupe une place de choix au sein de l’élite dirigeante protestante anglophone du Haut-Canada. C’est pourquoi sa maison, considérée comme un précieux héritage, a été déclarée lieu historique et abrite aujourd’hui un musée.
La situation particulière de la communauté francophone de Windsor s’explique par le fait que la répartition actuelle des francophones en Ontario résulte de mouvements de population qui se sont produits surtout après la création du Canada, en 1867. Les régions les plus proches du Québec ont accueilli davantage de migrants francophones que la région de Windsor.