Le patrimoine francophone de Saint-Albert, Morinville et Legal
À la fin du 19e siècle, plusieurs familles francophones s’établissent dans le comté de Sturgeon, au nord d’Edmonton. En empruntant la route 2 à partir de la capitale, on trouve dans un couloir d’une cinquantaine de kilomètres des traces remarquables de leur présence à Saint-Albert, à Morinville et à Legal. Le plus vieux bâtiment de l’Alberta, la chapelle que le missionnaire Albert Lacombe fait construire par les Métis en 1861, est maintenant restauré et mis en valeur à Saint-Albert. Le Musée Heritage Museum témoigne également de la contribution des Métis francophones et des Canadiens français au développement de la région. À Morinville, l’église et le presbytère classés au répertoire patrimonial de l’Alberta constituent un magnifique exemple d’architecture canadienne-française du début du 20e siècle, avec le couvent voisin des Filles de Jésus. À Legal, une quarantaine de murales racontent des épisodes marquants de l’histoire francophone de cette localité, un attrait qui lui vaut le titre de « Capitale nationale des peintures murales francophones ».
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Saint-Albert : rendre hommage aux pionniers francophones
En saison estivale, à la chapelle du père Lacombe, des guides-interprètes renseignent les visiteurs sur l’œuvre de cet infatigable missionnaire qui a fondé la mission Saint-Albert avec les Métis catholiques francophones qu’il desservait. Ceux-ci construisirent sous sa direction une chapelle en bois de type pièce sur pièce, simple et solide, qui est aujourd’hui inscrite au répertoire canadien des lieux patrimoniaux, car elle est le plus vieux bâtiment encore debout en Alberta. Le père Albert Lacombe et l’évêque Vital-Justin Grandin sont enterrés dans la crypte de l’église-cathédrale de Saint-Albert, construite en 1870 tout près de cette chapelle. Le père Lacombe a joué un rôle très important auprès des Cris et des Pieds-Noirs, qui étaient majoritaires sur le territoire actuel de l’Alberta. Comme ceux-ci l’ont adopté et qu’il maîtrisait parfaitement leur langue, il participa aux discussions et leur conseilla de signer les traités conclus entre eux et la Couronne britannique (pour le gouvernement du Canada).
D’autres éléments du patrimoine témoignent de l’importance de la communauté francophone pionnière de Saint-Albert, qui devient le centre des missions dans l’ouest des Prairies et le siège d’un diocèse. En 1863, les Sœurs grises y ouvrent un couvent qui sert d’hôpital, d’école et d’orphelinat. Entre 1872 et 1878, monseigneur Vital-Justin Grandin fait construire une imposante résidence de trois étages et demi juste à côté de l’église, que le gouvernement de l’Alberta a désignée ressource historique provinciale en 1977. Il est possible de visiter cette résidence sur demande pour découvrir ses aménagements intérieurs exceptionnels. Le « Founder’s Walk », un sentier d’interprétation de l’histoire et du patrimoine de Saint-Albert, qui commence à la chapelle du père Lacombe, passe par les lots de rivière 23 et 24 qui font l’objet d’une importante mise en valeur. Sur ces terres concédées avant que la Compagnie de la Baie d’Hudson ne cède son territoire au Canada – elles sont donc divisées en longs rectangles avec accès à la rivière, selon la tradition française, plutôt qu’en lots carrés à l’anglaise –, on trouve quelques bâtiments patrimoniaux. C’est entre autres le cas de la maison Chevigny, une résidence en bois de deux étages construite dans les années 1880 par les frères Chevigny, originaires du Québec, que leurs descendants ont habitée jusque dans les années 1960. Les descendants d’une famille métisse ont occupé en permanence le lot voisin depuis l’époque du père Lacombe.
L’Institut de culture Michif de Saint-Albert, fondé par la sénatrice métisse Thelma Chalifoux, se consacre à la préservation et à la diffusion de l’histoire des Métis d’origine canadienne-française de Saint-Albert. Vers 1871, l’une des plus grandes populations métisses de l’Ouest habitait cette mission. Les premiers occupants portaient des noms typiquement métis comme Alexis Gladu, Louis Beaupré, Pierre L’Hirondelle, Olivier Laderoute, Félix Gabriel, Norbert Bellerose et Ferdinand Coulongérard. Issus d’unions entre les voyageurs canadiens-français de la traite des fourrures et des femmes autochtones, les Métis partageaient les deux cultures ; ils étaient cultivateurs et chasseurs de bison ainsi que commerçants. Le déclin, puis la disparition de la chasse au bison les ont forcés à pratiquer davantage l’agriculture sur les terres fertiles qui bordaient la rivière Esturgeon (Sturgeon). L’institut est situé sur l’avenue Mission, dans la maison Juneau construite en 1895, où le premier maire et médecin de Saint-Albert, le Dr Arthur Giroux, a résidé. Le Musée Heritage Museum de Saint-Albert a également pour mission de refléter et de faire connaître l’histoire et la diversité historique de ses habitants.
Le patrimoine bâti de Morinville
Le missionnaire colonisateur Jean-Baptiste Morin, rattaché au Bureau canadien de l’immigration à Montréal, s’établit au nord de Saint-Albert en 1891, dans l’actuelle localité de Morinville, qui a été nommée en son honneur. En quelques années, il réussit à convaincre quelques centaines de familles québécoises d’immigrer en Alberta, malgré le ressentiment provoqué par la pendaison de Louis Riel, le chef des Métis, en 1885.
La construction de l’église Saint-Jean-Baptiste et du presbytère, amorcée à son initiative, est complétée en 1912. La province a classé ces bâtiments pour leur importance dans la colonisation francophone de l’Alberta et pour leur style architectural mariant l’influence traditionnelle canadienne-française et le classicisme français et britannique, à la manière de Thomas Baillairgé, un maître architecte québécois du 19e siècle. Le couvent Notre-Dame-de-la-Visitation, de l’ordre enseignant des Filles de Jésus, construit en 1909, est lui aussi inscrit au répertoire canadien des lieux patrimoniaux, car il est l’un des rares exemples de ce style et de cette période qui subsistent en Alberta. Il est situé à côté de l’église et complète harmonieusement cet ensemble patrimonial de grande valeur. Il abrite depuis 2009 le Musée de Morinville, créé par la Société historique et culturelle de Morinville.
Raconter en images l’histoire des francophones à Legal
En 1997, l’Association canadienne-française de l’Alberta lance un projet d’envergure : peindre une série de murales sur les bâtiments de la ville pour raconter l’histoire des francophones qui ont vécu et vivent encore à Legal. Une douzaine de peintres, en majorité de la région, se mettent à l’œuvre pour illustrer les familles des pionniers, les Pelletier, Auger, Maisonneuve et autres, le travail des Sœurs grises, l’agriculture, le magasin général St. Arnaud, la coopérative de Legal ou encore le 75e anniversaire de l’Association canadienne-française de l’Alberta. Il y a tant de murales – plus de 40 – sur la rue principale et les rues transversales de cette localité de quelque 1400 habitants qu’elle présente la plus grande concentration de murales par habitant au monde ! Cette petite ville propre et colorée, où réside encore une proportion de 15 % de francophones, a été qualifiée de « meilleure petite ville d’Alberta » par le journaliste Robin Esrock en 2014. Chaque mois de juillet, on y célèbre la culture francophone lors de la Fête au village, un événement qui se déroule au Citadel Park. Legal a été nommée en l’honneur d’Émile-Joseph Legal, sacré évêque de Saint-Albert en 1902, un grand bâtisseur qui a conçu et dessiné plusieurs édifices religieux en Alberta.