Falher, Saint-Isidore et Girouxville, un noyau francophone à découvrir dans le nord-ouest de l’Alberta
À 450 km d’Edmonton, établie sur des terres agricoles très fertiles favorisées par un microclimat, une partie de la population d’origine québécoise de la région de Rivière-la-Paix, la plus grosse ville de cette région autrefois fréquentée par les voyageurs de la traite des fourrures, est demeurée francophone à plus de 40 %. Trois de ces communautés mettent leur patrimoine en valeur dans le Musée de Girouxville, lors du carnaval d’hiver Tout le monde dehors de Saint-Isidore et lors du Festival du miel de Falher. Elles ont choisi ces activités pour célébrer leurs origines et mettre en valeur leur culture francophone, pour se réunir et attirer des visiteurs. Regroupées dans des sections locales de l’Association des Canadiens français de l’Alberta, elles affirment ainsi leur identité et font connaître leur histoire, qui débute dans la première moitié du 20e siècle par un mouvement de colonisation dirigé par l’Église, à l’initiative des pères oblats Constant Falher et Jean-Baptiste Giroux.
Pour en savoir plus…
Le Musée de Girouxville
Ouvert depuis 1969, ce musée d’une étonnante envergure pour un village de 220 habitants permanents (selon le recensement de 2016) possède une collection de plus de 6000 objets couvrant principalement la vie des Autochtones, des missionnaires et des premiers agriculteurs qui ont vécu et travaillé dans la région. Il contient notamment la reconstitution d’une chapelle de mission, d’une hutte de trappeur, d’une cordonnerie et d’une laiterie. D’autres thèmes sont bien représentés par de nombreux artéfacts, comme celui des transports, avec une ancienne autoneige de 4 mètres (12 pieds) de long, un camion de pompier et d’autres véhicules des années 1950, ou ceux de la photographie, de la chasse et de la pêche, de l’apiculture et de la faune régionale, entre autres par le fameux écureuil à cinq pattes capturé dans la région. Le père oblat Clément Desrochers, un missionnaire qui voyait son mode de vie disparaître, a rassemblé le cœur de cette collection entre 1954 et 1969. Mais l’acquisition de nouveaux objets se poursuit. Le musée est ouvert en saison estivale et offre des services bilingues.
Le carnaval d’hiver de Saint-Isidore
Malgré sa petite taille, Saint-Isidore est un important centre culturel francophone. Le Conseil scolaire Nord-Ouest #1 y a son siège social et c’est à Saint-Isidore que s’est ouvert le premier centre culturel francophone de la région de Rivière-la-Paix.
La première édition du carnaval d’hiver de Saint-Isidore a lieu en février 1983. Cette fête communautaire a d’abord pour but de rassembler la population locale, mais rapidement, le carnaval fait parler de lui et se développe. Sur le modèle du Carnaval d’hiver de Québec, l’événement est animé par un bonhomme carnaval et des duchesses. Des activités présentes dès le début font encore partie de la programmation, comme le concours de sciottage (coupe d’un rondin avec une scie à la main), le feu de joie et le service de mets typiquement canadiens-français comme l’authentique tourtière du Lac-Saint-Jean (la population de Saint-Isidore est originaire du Lac-Saint-Jean), la tire d’érable sur la neige et la poutine. La fête s’est de plus enrichie de prestations musicales d’artistes locaux et du FrancoParty qui reprend de grands succès du répertoire francophone. L’innovation la plus porteuse est celle d’exploiter un thème différent chaque année, comme ceux du voyage, du cirque ou du cinéma, illustré par des décors que fabriquent bénévolement les villageois. La fête se renouvelle ainsi constamment. Le carnaval d’hiver de Saint-Isidore est aujourd’hui connu partout en Alberta et très apprécié de ses participants.
Depuis 2016, un petit musée constitué de quelque 500 objets ayant appartenu aux sept familles fondatrices de Saint-Isidore est ouvert dans le centre culturel local. En parcourant ce musée, les visiteurs peuvent aussi écouter des entrevues réalisées auprès de quelques pionniers.
Le Festival du miel de Fahler
Le Festival du miel de Falher n’est pas un événement centré sur le patrimoine francophone, mais dans cette ville qui compte une moitié d’habitants de langue maternelle française, la célébration du miel de Falher et de ses apiculteurs prend des allures de fête francophone. Durant trois jours, en juin, des prestations musicales, des tournois sportifs, un défilé, des démonstrations de « barbes d’abeilles », diverses expositions et bien sûr un marché du miel attirent un grand nombre de visiteurs. Les miels blancs crémeux et onctueux produits à Falher, parfois qualifiée de « capitale nationale du miel », à partir de fleurs de trèfle, de colza et de luzerne contribuent à la renommée de Falher, quoique la palme reviendrait au miel produit à partir de l’épilobe en épi (fireweed), le plus rare et le plus goûteux des miels.
Un brin d’histoire
L’explorateur et commerçant de fourrures Alexander Mackenzie et ses équipiers canadiens-français et métis sont les premiers « Blancs » à circuler dans la région de la Rivière-la-Paix dans les années 1790. Le commerce des fourrures y demeure longtemps la seule activité économique. Au début du 20e siècle, à la faveur de l’afflux de chercheurs d’or qui se dirigent vers le Klondike, au Yukon, la région commence à se développer.
En 1912, un premier contingent de colons canadiens-français en provenance de la région de Charlevoix, principalement, au Québec, accompagne les pères oblats Constant Falher et Jean-Baptiste Giroux vers les terres fertiles encore inoccupées de la région de la Rivière-la-Paix. Même si ce territoire se trouve à la même latitude que le sud de la baie d’Hudson, un microclimat y permet la culture des céréales, la production laitière et l’apiculture. En été, le soleil y luit jusqu’à 20 heures par jour.
Pendant plusieurs années, des francophones provenant en grande majorité du Québec viennent rejoindre le premier noyau d’immigrants francophones. Ils s’établissent à Falher, Donnelly, Girouxville, McLennan, Rivière-la-Paix et Saint-Isidore, qui, fondé en 1953, est le village le plus récent.