Art public francophone, diversité et rapprochements culturels à Yellowknife
Deux œuvres d’art public récentes réalisées ou coréalisées par des francophones embellissent la ville de Yellowknife. Elles expriment la diversité culturelle des Territoires du Nord-Ouest qui comptent 11 langues officielles. Pour les francophones, cet esprit de bonne entente et de collaboration interculturelle trouve ses racines dans l’histoire, quand les voyageurs canadiens-français de la traite des fourrures – les premiers Blancs à s’établir dans ces régions nordiques à compter des années 1770 – ont noué des relations d’alliance avec les nations autochtones et ont donné naissance à une population métisse. Aujourd’hui, les francophones sont aussi perçus comme des alliés des habitants autochtones des Territoires du Nord-Ouest dans l’expression de leur différence culturelle. Ces nations autochtones et les francophones en milieu minoritaire partagent un même désir de reconnaissance de leur langue, de leur culture et de leur patrimoine. C’est pourquoi l’œuvre Carrefour culturel, tout particulièrement, a été conçue et réalisée en étroite collaboration entre plusieurs artistes d’origines autochtone et francophone.
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L’art et le patrimoine au centre-ville de Yellowknife
Située directement en face du musée et centre d’archives des Territoires du Nord-Ouest, le Prince of Whales Northern Heritage Center, dont les expositions bilingues (anglais-français) portent en grande partie sur le patrimoine et la culture des nombreux peuples autochtones qui habitent les Territoires du Nord-Ouest, l’œuvre d’art Unis dans la célébration réalisée par l’artiste franco-ténois François Thibault se veut un hommage aux peuples du Nord. En même temps, pour l’artiste, les trois danseurs qu’il a créés, « ce ne sont pas des hommes ou des femmes, ce ne sont pas des Dénés, des Inuits ou des francophones; c’est tout le monde. Tout le monde peut se reconnaître là-dedans. C’est nous que ça célèbre », déclarait-il au journal local L’Aquilon en 2009. L’œuvre est d’autant plus universelle que cette danse à tambour, telle que représentée, est une forme nouvelle d’une danse traditionnelle qui se pratiquait sans tambour. Cette forme nouvelle est apparue au début du 20e siècle dans un contexte d’influences interculturelles.
François « T-Bo » Thibault, originaire d’Orléans en Ontario, est un créateur important de la communauté franco-ténoise. En 1992, il a contribué au dessin final du drapeau franco-ténois. Il a aussi représenté les Territoires du Nord-Ouest au concours de sculpture sur neige du Carnaval d’hiver de Québec et il a dessiné le premier collier serti de diamants provenant des mines des Territoires du Nord-Ouest en 2001. La beauté de ce collier a été saluée à de nombreuses reprises sur la scène internationale.
Le Carrefour culturel, près du Grand lac des Esclaves
Dans la partie la plus ancienne de Yellowknife, à quelques pas du lieu où se tient le Snowking’s Winter Festival, la sculpture collective Carrefour culturel est une manifestation très organisée de cette volonté de rapprochement qui caractérise les Territoires du Nord-Ouest d’aujourd’hui. En 1996, la Fédération franco-ténoise lance un projet collaboratif d’œuvre d’art réunissant des artistes autochtones et francophones afin de mettre en valeur leurs bonnes relations (malgré l’épisode des pensionnats autochtones qui a laissé des séquelles). Trois ans plus tard, le maire de Yellowknife donne son accord. En 2002, les artistes mettent la dernière main à l’œuvre sculptée : Sony MacDonald, un Métis de Fort Smith, John Sabourin, un Déné de Fort Simpson, Eli Nasogaluak, un Inuvialuit de Tuktoyaktuk et Armand Vaillancourt, un Québécois francophone de Thetford Mines.
La sculpture principale des trois éléments que comporte l’œuvre est située au bas du rocher McAvoy. Elle a été réalisée par les trois artistes autochtones. Elle se compose d’un tambour autochtone et de trois animaux réunis dans une même danse. Le poisson, l’animal fétiche des Métis, symbolise l’eau ; l’ours, l’animal fétiche des Inuvialuits, symbolise la terre ; et l’aigle, l’animal fétiche des Dénés, symbolise l’air. Le tambour représente le langage universel de la musique. Un tipi fabriqué en acier par le Québécois est situé au sommet du rocher. Il témoigne du droit ancestral sur le territoire dévolu par l’histoire à la communauté autochtone. Ces deux éléments sont réunis par un ensemble de signes et de symboles animaux et humains – dont des centaines de traces de mains – peints et gravés sur la paroi du rocher par Vaillancourt et deux autres artistes francophones originaires d’autres provinces canadiennes, avec l’aide des résidents de Yellowknife qui ont collaboré au projet. Le plus grand de ces motifs est un grand corbeau qui plane au milieu d’un cercle, symbolisant l’appartenance au Grand Nord des communautés impliquées dans la réalisation de cette œuvre d’art public.
Le Monument aux pilotes
À courte distance du Carrefour culturel, le Monument aux pilotes érigé au sommet du rocher autour duquel s’est développée Yellowknife, dans les premières années, rend hommage aux pilotes de brousse et aux ingénieurs qui ont perdu la vie en approvisionnant les villages reculés et les camps de travailleurs, ou en cartographiant le territoire, dans les années 1920 et 1930. De cet endroit, les visiteurs ont la plus belle vue en 360 degrés du Grand lac des Esclaves, de l’île Joliffe, de la baie de Yellowknife et de la vieille ville. En 1999, on a ajouté une plaque pour rendre hommage aux multiples cultures qui ont forgé les Territoires du Nord-Ouest.