Surprise sous la terrasse : le prestigieux site archéologique des Forts-et-Châteaux-Saint-Louis
Plusieurs promeneurs qui profitent de la magnifique terrasse Dufferin, aux pieds du célèbre château Frontenac, à Québec, se penchent sur les cubes de verre posés de façon étonnante sur leur chemin pour apercevoir ce qu’ils révèlent. Habituellement, le contraste entre la pénombre qui règne sous la terrasse et la lumière extérieure les empêche de bien voir. Il leur faut plutôt se rendre au kiosque Lorne où des guides de Parcs Canada les invitent à emprunter l’escalier menant sous la terrasse, pour visiter les plus prestigieux vestiges archéologiques de la période coloniale au Canada : ceux des résidences des six gouverneurs de la Nouvelle-France et du Canada qui ont habité à cet endroit entre 1620 et 1834. Le site, aménagé avec soin, est vaste, confortable et bien éclairé. Ces imposants vestiges, que la terrasse a protégés pendant des décennies et que complètent plusieurs panneaux d’interprétation et de nombreux artéfacts, révèlent le mode de vie presque royal que les hauts dirigeants coloniaux avaient adopté à cet endroit.
Pour en savoir plus…
Le lieu historique national du Canada des Forts-et-Châteaux-Saint-Louis
Aucun autre endroit au Canada ne représente aussi fortement le pouvoir colonial et rares sont les sites archéologiques qui ont livré autant d’artéfacts (plus d’un million !). La visite de ces impressionnants vestiges commence au pied de l’immense glacière extérieure qui garantissait aux gouverneurs britanniques un approvisionnement en produits frais. Elle se poursuit à travers la cour basse séparant le périmètre de la dernière résidence du gouverneur britannique, qui fut la proie des flammes en 1834, puis dans les vestiges du château Saint-Louis de l’époque française. Dans le soubassement de ces édifices qui s’emboîtent les uns dans les autres, les hauts murs de pierres et de briques qui subsistent délimitent le lavoir, la cuisine et le garde-manger, avec leurs nombreux foyers. La cave à provisions de 1694 et l’un des murs du premier château Saint-Louis, qui remonte à 1648, nous ramènent aux premiers temps de la colonie française.
De grands dessins en couleurs reconstituent les pièces visitées dans leur intégralité. Des images numériques donnent à voir les châteaux Saint-Louis successifs et quelques-unes des pièces de ces résidences en 360 degrés. Des vitrines exposant notamment des bijoux, des sceaux à cacheter, de la vaisselle luxueuse, des bouteilles de vin, un pot de chambre raffiné, des armes et des outils, tous trouvés sur place, illustrent le mode de vie des occupants. Une visite guidée quotidienne permet d’en apprendre davantage sur leur histoire.
Un site exceptionnellement bien conservé
En 1838, soit quatre ans après l’incendie qui a détruit le dernier château Saint-Louis, une première terrasse publique d’une cinquantaine de mètres est construite par-dessus les restes des châteaux Saint-Louis, les protégeant ainsi des intempéries et des méfaits. Cette terrasse Durham est si populaire qu’on la prolonge de quelque 35 mètres en 1854. Puis, en 1879, on la porte à 430 mètres de longueur. La terrasse Dufferin n’a pas changé depuis. Elle a été nommée ainsi en l’honneur de Lord Dufferin, gouverneur général du Canada qui a imaginé cette terrasse en collaboration avec l’ingénieur municipal Charles Baillairgé.
La principale campagne de fouilles menée de 2005 à 2007, en préparation du 400e anniversaire de la fondation de Québec par Samuel de Champlain, a permis à elle seule la mise au jour de 500 000 artéfacts et de 500 vestiges architecturaux sur un site d’une richesse et d’un état de conservation exceptionnels.
Chronologie de l’occupation du site
En 1620, Samuel de Champlain, qui avait construit sa première habitation sur les rives du Saint-Laurent, érige un premier fort qu’il nomme Saint-Louis au sommet du cap Diamant, pour mieux défendre son établissement. Six ans plus tard, il y ajoute une résidence en pierre. Puis le premier gouverneur en titre de la Nouvelle-France, Charles Huault de Montmagny, agrandit cette résidence pour en faire le premier « château » Saint-Louis : un bâtiment d’un étage, de 26 mètres sur 7 mètres, achevé en 1648.
En 1690, le gouverneur Frontenac entreprend la construction d’un nouveau château Saint-Louis fortifié, qui sera quatre fois plus grand que le précédent. Il comporte deux étages et des pavillons latéraux et ne sera achevé qu’en 1723, sous le gouverneur Beauharnois.
Lors des fouilles archéologiques de 2005-2007, on a retrouvé les vestiges des quatre ouvrages défensifs associés aux forts Saint-Louis, du tout premier construit par Champlain en 1620 jusqu’aux ajouts effectués au début des années 1690 par Frontenac, ainsi que les vestiges des châteaux Saint-Louis français depuis Montmagny.
Lors du siège de Québec par les Britanniques, en 1759, les bombardements endommagent lourdement l’édifice. Les vainqueurs en démolissent une partie et restaurent ce qui est récupérable. Quelques années plus tard, le gouverneur Frederick Haldimand s’y trouve à l’étroit et fait construire le château Haldimand, en retrait de la falaise. En 1892, la construction de l’hôtel Château Frontenac fait disparaître tous vestiges du château Haldimand.
En 1807, le gouverneur James Craig revient au château Saint-Louis dont il préfère l’emplacement, qui offre une vue imprenable sur le fleuve Saint-Laurent. Il l’agrandit et le met au goût du jour, avec fronton triangulaire et porche à colonnade. C’est ce château Saint-Louis que les flammes détruisent en 1834. Les archéologues en ont retrouvé de nombreuses traces lors des fouilles de 2005-2007.
Le site sera ensuite occupé par les terrasses Durham et Dufferin ainsi que par l’hôtel Château Frontenac. Le site archéologique des Forts-et-Châteaux-Saint-Louis est situé dans le site patrimonial du Vieux-Québec, déclaré par le gouvernement du Québec et inscrit sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO.