Maison Saint-Gabriel, mise en valeur exemplaire de l’histoire à Montréal
En 1668, Marguerite Bourgeoys acquiert la Maison Saint-Gabriel et les terres qui l’entourent pour nourrir les religieuses de la congrégation de Notre-Dame de Montréal qu’elle a fondée neuf ans plus tôt. Reconnue aujourd’hui comme l’un des plus beaux exemples d’architecture rurale traditionnelle au Québec, cette maison devient le cœur d’une métairie modèle que les religieuses vont diriger pendant trois siècles. En 1966, elles la transforment en un musée pour rendre hommage aux membres de la congrégation ainsi qu’aux Filles du roi qui ont été hébergées et instruites dans cette maison de 1668 à 1673. Depuis, plusieurs activités d’interprétation du patrimoine et de l’histoire, aussi riches que variées, ont accru la valeur exceptionnelle de cette maison classée par le ministère de la Culture et des Communications du Québec et désignée Lieu historique national par le gouvernement du Canada, ainsi que des centaines d’objets anciens qui y sont exposés. Cette extraordinaire vitalité de l’un des plus vieux sites historiques de l’île de Montréal a valu à la Maison Saint-Gabriel un grand nombre de prix et de distinctions.
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Une mémoire des lieux toujours vivante
Les jeunes guides-interprètes qui font visiter la Maison Saint-Gabriel savent transmettre avec enthousiasme les connaissances et les souvenirs hérités de trois siècles d’occupation ininterrompue. Que ce soit à propos du grand évier en pierre du 17e siècle, du bureau qu’utilisait Marguerite Bourgeoys pour écrire, de l’utilisation des ustensiles ménagers qui servaient à cuisiner, ou encore des images pieuses devant lesquelles méditaient les religieuses, ces connaissances transmises de génération en génération sont encore chargées de vie. Les guides attirent ici l’attention sur la trace de l’incendie de 1693, là sur la commodité d’un objet dont les visiteurs n’ont pu identifier l’usage, plus loin ils font remarquer les matériaux différents utilisés lors de l’agrandissement de 1826.
En une heure de visite, en passant de la cave au grenier, à travers l’ameublement, les costumes, les objets de dévotion, les œuvres d’art et les outils de diverses époques, les visiteurs prennent conscience de l’évolution du mode de vie de ces femmes actives et ingénieuses entre le 17e et le 20e siècle. Ils mesurent aussi l’étendue de leur savoir-faire et l’ampleur des tâches qu’elles accomplissaient sur cette ferme de grande dimension, avec l’aide de leurs employés. Aussi étonnant que cela puisse paraître, alors qu’on se trouve au cœur de Montréal, le site respire la vie rurale, avec ses grands arbres centenaires et ses jardins.
Le patrimoine immatériel à l’honneur
C’est dans cet environnement bucolique que se déploient les animations historiques très variées qui enrichissent l’expérience de visite, les fins de semaine. De courtes pièces de théâtre illustrent les mentalités et les préoccupations à l’époque de la Nouvelle-France. Des conférenciers transmettent leurs connaissances et des conteurs animent les lieux. Plusieurs artisans font des démonstrations de savoir-faire traditionnels : tisserand, fileuse, flécheuse, dentellière, cordier, sourcier, tourneur, sabotier, fondeur de cuillères, forgeron et maréchal-ferrant, faiseur de balais, cribleur, sellier et cordonnier, laceur de raquettes et potier. Des ateliers sont offerts aux personnes désirant s’initier à certaines techniques anciennes : l’atelier de fabrication de jouets anciens, celui de l’apothicaire ou celui du cuistot qui apprête et fait déguster des mets du 18e siècle.
Dans le même esprit, des soupers-causeries et des causeries musicales rendent la diffusion de l’histoire particulièrement agréable. Les dîners offerts dans le restaurant-réfectoire du pavillon d’accueil sont également animés par un guide-interprète. La Maison Saint-Gabriel a même mis sur pied des activités spéciales pour renforcer les liens entre la Maison et son milieu, comme la « run de pain » qui se fait en voiture à cheval – de race canadienne, bien entendu – dans une dizaine de rues des environs pour y vendre du pain cuit selon la méthode traditionnelle. L’atelier d’apiculture et le programme Adopte une abeille soutiennent la production locale du Miel de la Métairie, fabriqué à partir des fleurs mellifères qui se retrouvent sur le site et vendu localement. Le potager, très semblable à ceux de la Nouvelle-France, comprend les légumes les plus courants de l’époque et des plantes aromatiques, odorantes et médicinales qui se trouvaient dans les jardins de la métairie au 18e siècle. Le Jardin des Origines rappelle quant à lui la contribution des femmes autochtones au savoir horticole et médicinal et témoigne de la rencontre des cultures française et autochtone en Nouvelle-France.
Une contribution historique déterminante
La congrégation de Notre-Dame de Montréal a joué un rôle déterminant dans l’éducation féminine au Québec. Depuis que Marguerite Bourgeoys a ouvert sa première école à Montréal, en 1658, la congrégation a ouvert plusieurs dizaines d’écoles et de couvents pour enseigner aux jeunes femmes à travers tout le Québec jusqu’aux années 1960. Elle était également présente dans d’autres provinces canadiennes, aux États-Unis et au Japon.
En acquérant cette maison construite par Jacques Le Ber au début des années 1660, et la terre qui l’entourait, Marguerite Bourgeoys complétait le terrain que Maisonneuve lui avait donné en 1662. La grande terre ainsi formée sera défrichée et mise en culture pour nourrir les membres de la congrégation et les pensionnaires à qui elles enseignaient. De 1668 à 1673, les religieuses y ont accueilli les Filles du roi destinées à Montréal. Ces immigrantes françaises ont contribué de façon déterminante au développement de la Nouvelle-France en se mariant et en fondant des familles. En très grande majorité, elles se sont bien adaptées à leur nouveau pays, notamment grâce à la formation reçue des religieuses de la congrégation Notre-Dame, qui comportait un important volet pratique.
En 1684, un document rapporte que la métairie est très productive. On y cultive du blé, du seigle, de l’orge, de l’avoine, du sarrasin, des pois, du chanvre et du lin, ainsi qu’une grande variété de légumes, des herbes, en plus d’y faire de l’élevage. En 1693, un incendie détruit une bonne partie de la Maison qui est reconstruite sur les mêmes fondations en 1698. Durant tout le 18e siècle, la ferme s’agrandit constamment. La Maison elle-même est agrandie en 1824. À cette époque, en plus des produits qui sont consommés frais, les sœurs font jusqu’à 40 000 pots de conserve par année. Dans la seconde moitié du 19e siècle, la construction du canal de Lachine provoque une vague d’industrialisation et une rapide croissance démographique dans le secteur. La ferme cesse ses opérations en 1960. Le musée ouvre ses portes en 1966. En 2007, la Commission des lieux et monuments historiques du Canada désigne la Maison Saint-Gabriel lieu historique national.