Les Forges du Saint-Maurice, patrimoine de l’industrie sidérurgique au Canada
Les Forges du Saint-Maurice, situées à 15 kilomètres au nord de Trois-Rivières, sont le plus ancien site d’exploitation du fer au Canada. De 1740 à 1880, des milliers de travailleurs y ont fabriqué les matériaux et les objets nécessaires au développement du pays. Les vastes chantiers de fouilles archéologiques et les recherches historiques ont révélé la richesse de l’héritage français de cette entreprise. Le Lieu historique national des Forges-du-Saint-Maurice s’étend dans un parc verdoyant de 23 hectares, où le visiteur explore les vestiges des anciens bâtiments de la première communauté industrielle du Canada et découvre les expositions et les légendes qui composent ce patrimoine exceptionnel. Ce paysage culturel comprend d’agréables sentiers de randonnée qui offrent une vue panoramique sur la rivière Saint-Maurice.
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Un précieux patrimoine industriel et social
Les Forges du Saint-Maurice occupent une place unique dans le patrimoine industriel canadien. Une visite du site permet de comprendre l’évolution plus que centenaire de ces installations d’envergure. Le plan d’aménagement et d’interprétation des Forges du Saint-Maurice s’est mérité le prix d’excellence de l’Ordre des architectes du Québec en 1985, pour avoir réussi à évoquer le procédé de fabrication de la fonte grâce aux « volumes expressifs » des structures en béton et en acier qui protègent les vestiges de bâtiments disparus, notamment l’immense roue hydraulique du haut fourneau.
Le site inclut des vestiges originaux, tels que ceux des ateliers, des habitations et de la haute cheminée de la forge basse, un magasin et un entrepôt, ainsi qu’un centre d’interprétation sur la production de la fonte dans le haut fourneau et une grande maison reconstruite qui abritait le centre administratif. Ce bâtiment accueille une exposition sur les savoir-faire liés à la fabrication du fer et sur la vie quotidienne des 400 personnes qui travaillaient et habitaient aux Forges en 1845, accompagnée d’une maquette animée. Le site abrite également une collection ethnologique d’objets domestiques et représente la plus volumineuse collection archéologique de Parcs Canada au Québec, incluant artefacts et écofacts.
Un lieu de légendes
Les forges ont donné lieu à de nombreux contes et légendes, soit des traditions orales qui font partie du patrimoine immatériel québécois. Ces récits déploient un imaginaire centré sur le diable, être de feu, et participent à l’interprétation du lieu. Sur les rives du Saint-Maurice, le visiteur découvrira la « fontaine du diable », où l’eau s’enflamme, en raison de l’émanation de méthane. Ces légendes inscrites dans la mémoire collective ont été illustrées en peinture par l’ethnologue Jean-Claude Dupont.
La première industrie sidérurgique au Canada
C’est en 1730 que débute l’exploitation des gisements de minerai de fer dans la région du Saint-Maurice. Le minerai brut est placé dans un haut fourneau pour être réduit en fonte, puis travaillé et affiné dans une forge pour obtenir du fer. Les Forges produisent tout d’abord des objets destinés à la marine royale française. Comme la fabrication d’objets manufacturés est en théorie réservée à la mère-patrie, la France, le démarrage des Forges à l’époque de la Nouvelle-France est laborieux car c’est une exception dans la colonie.
Au cours du 19e siècle, la vague d’industrialisation amène les Forges à se moderniser afin d’accroître et de diversifier leur production : elles fabriquent des biens manufacturés comme des clous, des enclumes, des bouilloires, des socs de charrue, des roues de véhicules, des mécanismes de moulin à scie et du matériel d’armement. Plusieurs générations de Québécois chaufferont leurs maisons et cuisineront avec les poêles fabriquées aux Forges du Saint-Maurice.
Dans les années 1850, des innovations techniques importantes sont introduites, comme les engins à vapeur et les turbines hydrauliques. Les Forges produisent désormais de la fonte brute destinée aux grosses fonderies de Trois-Rivières et de Montréal. L’entreprise ferme définitivement ses portes en 1883.
Ressources naturelles et savoir-faire
L’opération des Forges requiert beaucoup de charbon. Les généreuses forêts de la Mauricie sont donc mises à contribution ainsi que la rivière Saint-Maurice, tant pour l’énergie hydraulique qui permet d’actionner les roues à augets que comme voie de circulation vers Trois-Rivières. De nombreux savoir-faire sont indispensables, du mouleur au fondeur, du forgeron au charbonnier. C’est pourquoi des maîtres de forge de Bourgogne, de Champagne et de Franche-Comté – en France – sont engagés dès les années 1730-1740 pour implanter les innovations techniques développées dans ces régions reconnues pour leur expertise sidérurgique. Le développement du savoir-faire local sera par la suite une constante dans l’opération des Forges. À leur fermeture, ses mouleurs transmettront leurs connaissances aux artisans des fonderies rurales des régions avoisinantes et à ceux des usines de Montréal.
Pendant près de 150 ans, les Forges du Saint-Maurice ont fourni du travail à des milliers de personnes dans plusieurs secteurs, depuis l’extraction du minerai jusqu’au transport des marchandises. Plusieurs logements et bâtiments de service ont été construits au cours du 19e siècle, notamment des hangars, granges, écuries, entrepôts, fours en brique servant à la carbonisation du bois, boutiques, moulin à scie et chapelle. L’ensemble formait une véritable communauté industrielle où le savoir-faire se transmettait de génération en génération tout en évoluant au gré des innovations techniques.