Grand-Pré, lieu de mémoire de la Déportation des Acadiens
Le « Grand Pré » est un champ très fertile qui s’étend toujours à perte de vue. Les Acadiens l’ont gagné sur la mer grâce au système d’aboiteau qu’ils ont conçu et construit à cet endroit il y a plus de 300 ans. En arrivant sur place aujourd’hui, le visiteur trouve un centre d’interprétation qui raconte le mode de vie agricole des Acadiens du 18e siècle et la Déportation brutale dont ils ont été victimes. Ce drame collectif, qui a touché 11 000 personnes et marqué l’histoire acadienne, a débuté en 1755. Ce lieu chargé de sens figure sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 2012.
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Commémorer la résilience des Acadiens
Grand-Pré est l’un des nombreux endroits où s’est produite la Déportation. Mais ce lieu s’est progressivement imposé comme le principal symbole de cet événement tragique, entre autres à cause du célèbre poème de l’écrivain américain H. W. Longfellow, Evangeline: A Tale of Acadie, publié en 1847, dont l’histoire commence à Grand-Pré. À partir des années 1920, les rassemblements se sont multipliés sur ce site chargé de sens et de souvenirs. La chapelle commémorative, érigée en 1922, est un lieu de mémoire central pour les Acadiens, les Cajuns de la Louisiane et même les Québécois.
Au fil du temps, des marques de reconnaissance majeures se sont ajoutées : Grand-Pré est un lieu historique national du Canada depuis 1956 ; son paysage est également inscrit sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 2012, car il est un exemple éloquent de paysage façonné par l’être humain qui s’est maintenu pendant trois siècles. Aujourd’hui, ce qui inspire et émeut le plus en visitant Grand-Pré, au-delà de cette continuité historique, c’est l’extraordinaire résilience des Acadiens, leur capacité à surmonter une épreuve collective aussi douloureuse que la Déportation de cette terre qu’ils ont façonnée. Ce peuple fier a su rebondir, s’épanouir à nouveau, peu à peu, sans entretenir de rancune acrimonieuse ou de désir de vengeance. Au contraire, c’est la joie de vivre qui caractérise le mieux les Acadiens. Leur cœur est un grand pré accueillant et fertile.
Une terre de rêve pour les Acadiens
Les Acadiens se sont d’abord établis dans la région de Port-Royal (aujourd’hui Annapolis Royal) dans la première moitié du 17e siècle. Ils se déplacent vers Grand-Pré lorsqu’ils maîtrisent la technique d’aboiteau, qui peut être appliquée ici avec grand profit. Ce savoir-faire consiste à protéger les marais situés en bordure de la baie de Fundy de la montée des eaux salées, à marée haute. Car cette zone asséchée à marée basse, appelée estran, est très fertile. Mais pour la cultiver, il faut la garder hors de portée de la mer en tout temps, et la dessaler. Pour ce faire, les Acadiens vont la drainer et ériger des digues qui empêchent la mer d’envahir l’estran à marée haute. Ils vont ensuite poser des aboiteaux à travers ces digues, c’est-à-dire des écluses munies d’un clapet actionné par la marée. Ce dernier se ferme sous la pression de la marée montante et empêche ainsi l’eau salée de pénétrer dans le marais asséché. Avec le retrait de la marée, le clapet s’ouvre pour laisser passer l’eau de pluie et l’eau douce qui viennent des terres environnantes jusque dans la mer.
C’est ainsi que les Acadiens vont développer et peupler cette région appelée le bassin des Mines, qui était et qui est encore la plus productive de la Nouvelle-Écosse sur le plan agricole.
Le cauchemar de la Déportation
À partir de 1713, l’Acadie est possession britannique. Les militaires anglais qui occupent ce territoire habité presque exclusivement de francophones tentent d’assujettir et de fidéliser les Acadiens à la Couronne britannique. Mais ceux-ci tiennent à rester neutres. Or, dans les années 1750, les Britanniques décident d’en finir avec toutes les colonies françaises en Amérique. Les Acadiens sont un obstacle, voire une menace, et les autorités adoptent une solution radicale pour se débarrasser d’eux : ils les déportent.
Après avoir désarmé les Acadiens de tout le bassin des Mines, les militaires rassemblent la population dans l’église de Grand-Pré où on leur lit l’Acte de déportation. Tout va très vite. Des navires de transport sont déjà ancrés au large. On embarque de force les hommes, les femmes et les enfants, parfois pêle-mêle, familles séparées. Quand les navires surchargés voguent vers les colonies américaines, le bétail et les terres des Acadiens sont redistribués aux Britanniques, qui s’enrichissent de cet événement dramatique. Des scènes semblables se produisent partout en Acadie. Des milliers de déportés vont périr de faim et de maladie durant ces voyages vers l’Europe et les colonies anglo-américaines. Il faudra des décennies aux survivants acadiens dépossédés pour se réorganiser.