Saint-Jean, une communauté francophone créative et dynamique
L’un des fondateurs de l’Acadie, Charles de La Tour, construit en 1631 un poste de traite de fourrures fortifié à l’embouchure du fleuve Saint-Jean, où se trouve aujourd’hui la ville de Saint-Jean. Par la suite, les Acadiens ne privilégient pas cette région et s’établissent en majorité de l’autre côté de la baie de Fundy, dans l’actuelle province de la Nouvelle-Écosse. Après la Déportation, plusieurs d’entre eux viennent ou reviennent dans cette région en espérant s’y établir, mais les loyalistes britanniques qui fuient la Révolution américaine sont en si grand nombre qu’ils accaparent les terres et les refoulent plus loin. Au 20e siècle, plusieurs Acadiens viennent travailler à Saint-Jean, qui est la seconde ville en importance au Nouveau-Brunswick. Aujourd’hui, cette communauté francophone démontre une grande vitalité et fait preuve de beaucoup de créativité dans son organisation. Le Centre scolaire communautaire Samuel-de-Champlain, créé en 1985 et agrandi en 2008, est le principal lieu de convergence et de rayonnement des quelque 2700 francophones qui vivent de nos jours dans la ville de Saint-Jean, selon le recensement de 2016.
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Le Centre scolaire communautaire Samuel-de-Champlain
Le Centre scolaire communautaire Samuel-de-Champlain – nommé ainsi en souvenir du passage de Samuel de Champlain à cet endroit en 1604 – est un vaste bâtiment qui abrite plusieurs organismes francophones : la maison des jeunes ZonAdo, le théâtre de 500 places Louis-Vermeesch, la radio communautaire CHQC 105,7 FM, le journal Le Saint-Jeannois, le centre de santé Médisanté Saint-Jean et la bibliothèque Le Cormoran qui compte plus de 30 000 livres, journaux et périodiques en français. Le Centre loge aussi, bien entendu, une école francophone accueillant plus de 800 élèves de la maternelle à la 12e année, ainsi qu’un service de garde préscolaire.
Ce concept de centre scolaire communautaire a été créé en 1978 à Fredericton, la capitale du Nouveau-Brunswick, pour favoriser l’éducation de la minorité francophone de cette ville, en même temps que sa vie associative et culturelle. La présence, dans un même lieu, d’enfants et d’adultes et d’activités pédagogiques, culturelles et communautaires crée un milieu de vie français plus riche et un sentiment d’appartenance plus fort. Il suscite la formation de réseaux et le développement de projets, sans compter qu’il permet la mise en commun d’infrastructures comme une bibliothèque, un gymnase et une salle de spectacle. Ce type de regroupement de services est particulièrement important lorsque la communauté n’est pas très concentrée, comme à Saint-Jean. Le Centre devient alors le principal lieu de rassemblement et d’expression de la vitalité communautaire ainsi qu’un atout pour son développement.
Sam Chante est un bon exemple de projet dont un centre scolaire communautaire favorise la réalisation. Pendant l’année scolaire, les élèves de 8 à 12 ans de l’école Samuel-de-Champlain apprennent les chansons d’un artiste acadien influent. En fin d’année, ils montent sur scène avec cet artiste et participent au spectacle qu’il présente au public. Les chanteurs vedettes Zachary Richard et Wilfred LeBouthillier se sont ainsi produits à la salle Louis-Vermeesch en compagnie d’élèves du projet Sam Chante, une expérience mémorable pour les élèves, le public et les artistes.
Le Musée provincial du Nouveau-Brunswick et le fort La Tour
Le Musée provincial du Nouveau-Brunswick est une attraction culturelle majeure de la ville de Saint-Jean. Ses expositions bilingues portent sur une variété de sujets : l’histoire naturelle, l’histoire de l’art, l’histoire économique et l’histoire sociale de la province. Le Musée se montre de plus en plus sensible à la contribution des Acadiens à l’histoire du Nouveau-Brunswick, en célébrant notamment la Fête nationale des Acadiens, le 15 août. Il collabore également au projet de mise en valeur du site historique du fort La Tour, que l’on voudrait reconstituer, avec l’organisme Saint John’s Fort La Tour Developpment Authority. En 2017, le Musée a participé à l’inauguration de deux murales historiques. L’une rend hommage aux peuples autochtones qui fréquentaient le fleuve Saint-Jean depuis des millénaires quand les Acadiens se sont mis à commercer avec eux. L’autre souligne la courageuse défense du fort La Tour, que dirigeait Françoise-Marie Jacquelin, la femme de Charles de La Tour, en son absence, contre l’assaut de leur rival Charles de Menou d’Aulnay.
Les origines acadiennes de la ville de Saint-Jean
Après le passage de Samuel de Champlain à l’embouchure du fleuve Saint-Jean, en 1604, Charles de La Tour fait construire un poste de traite fortifié à cet endroit en 1631, car le fleuve est la plus abondante source d’approvisionnement en fourrures de l’Acadie. Charles de La Tour entretient de bonnes relations avec Isaac de Razilly, nommé gouverneur de l’Acadie en 1632, qui, lui, s’établit à La Hève. En 1636 cependant, après la mort subite de ce dernier, Charles de Menou d’Aulnay lui succède comme gouverneur et il déménage la colonie à Port-Royal, sur la rive de la baie Française (aujourd’hui de Fundy). L’attitude inverse de Menou d’Aulny envers Charles de La Tour déclenche une suite d’hostilités entre ces deux rivaux. Le conflit culmine en 1645 lorsque Menou d’Aulnay et ses hommes attaquent le fort La Tour en l’absence de Charles de La Tour, parti brasser des affaires à Boston. Pendant trois jours, son épouse Françoise-Marie Jacquelin dirige la défense du fort avec une quarantaine d’hommes. Après la prise du fort par Menou d’Aulnay, les partisans de La Tour sont tous exécutés pour trahison, puis le fort est pillé et brûlé. Françoise-Marie Jacquelin serait morte de chagrin ou de désespoir peu de temps après.
Surtout après 1730, un petit nombre d’Acadiens choisissent de vivre dans cette région et surtout en amont du fleuve Saint-Jean. L’expédition du colonel Robert Monckton de 1758 les déplace tous. Ceux qui y reviennent ne peuvent obtenir de titres de propriété sur les terres qu’ils convoitent, au contraire des loyalistes qui arrivent par milliers entre 1783 et 1785, dans les navires qui s’ancrent à l’embouchure du fleuve Saint-Jean. La ville de Saint-Jean, incorporée en 1785, est surnommée « la ville des loyalistes (Canada’s Loyalist City) ». Les Acadiens doivent trouver un autre endroit pour refaire leur vie. Une partie d’entre eux se rendront dans la région du Madawaska; les autres iront plutôt à Memramcook, Caraquet, ou dans d’autres régions acadiennes de la province. En 1923, l’emplacement du fort La Tour est reconnu lieu historique national du Canada.