Parlement de Fredericton, les Acadiens et leur patrimoine politique
Le Nouveau-Brunswick est la seule province officiellement bilingue au Canada depuis que le premier ministre acadien Louis J. Robichaud a fait adopter la Loi sur les langues officielles du Nouveau-Brunswick en 1969. De 1960 à 1970, cet homme politique d’envergure contribue de façon importante à l’amélioration du niveau de vie des Acadiens par l’éducation et par leur inclusion accrue dans toutes les sphères de la société. Poursuivant le travail amorcé par Robichaud, le premier ministre anglophone Richard Hatfield, qui lui succède, contribue lui aussi à faire du parlement de Fredericton un important lieu de pouvoir pour les Acadiens. Mais le chemin a été long depuis l’élection du premier député acadien en 1846. Il est possible d’assister aux débats des parlementaires du Nouveau-Brunswick et de visiter l’édifice de l’Assemblée législative construit en 1882 dans le style Second Empire, désigné lieu historique national et lieu du patrimoine du Nouveau-Brunswick.
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La politique néo-brunswickoise et les Acadiens
Après leur établissement sur le territoire du Nouveau-Brunswick actuel, à la suite de la Déportation de 1755, le pouvoir politique a longtemps échappé aux Acadiens qui devront attendre deux siècles avant d’utiliser véritablement ce levier pour améliorer leur sort. Ils n’obtiennent le droit de vote qu’en 1810 et ne font élire un premier député qu’en 1846. Même lorsqu’ils sont plus nombreux à siéger à l’Assemblée législative de la province, après la création du Canada, en 1867, la ligne de parti ne sert guère la cause acadienne, car le pouvoir politique et économique de la majorité anglophone néglige le développement des Acadiens, même si ceux-ci constituent le tiers de la population.
En 1960, à la faveur d’un courant progressiste assez fort au Canada, le chef du Parti libéral depuis 1958, Louis J. Robichaud, se fait élire premier ministre du Nouveau-Brunswick avec un programme ouvertement favorable à l’émancipation des Acadiens et à la centralisation des pouvoirs à Fredericton. Responsables de la Loi sur les langues officielles du Nouveau-Brunswick et de la création de l’Université de Moncton, notamment, Robichaud et des politiciens acadiens de son équipe contribuent pour la première fois de façon notable à l’amélioration des conditions de vie des Acadiens. Les mesures instaurées ensuite par le premier ministre Hatfield, qui ont notamment pour conséquence la création de nombreuses institutions acadiennes actives sur la scène politique et sociale, et la création du Parti acadien qui défend les intérêts des Acadiens de 1972 à 1982, même s’il ne fait élire aucun député, structurent et stimulent l’émancipation des Acadiens du Nouveau-Brunswick. Depuis ces années, la présence et l’influence des politiciens acadiens ne se démentent pas.
Le bilinguisme officiel, une particularité provinciale
La langue française est l’une des composantes fondamentales de la culture acadienne. En ce sens, l’introduction de la première loi sur les langues officielles qui a fait du Nouveau-Brunswick la seule province officiellement bilingue au Canada, en 1969, est une date charnière dans l’histoire politique et la préservation du patrimoine culturel des Acadiens, bien que plusieurs améliorations lui seront apportées par la suite.
La loi fédérale sur les langues officielles adoptée en 1968 a servi de modèle à celle du Nouveau-Brunswick, à la différence que cette dernière ne concernait que les services du gouvernement provincial. En 1981, l’Assemblée législative est allée plus loin en adoptant la loi 88, ou Loi reconnaissant l’égalité des deux communautés linguistiques officielles au Nouveau-Brunswick, sous le gouvernement Hatfield. Celle-ci établissait l’égalité des droits et privilèges des deux communautés linguistiques, incluant la création d’institutions distinctes dans les champs culturel, éducatif et social. Elle obligeait également le gouvernement provincial à protéger et à promouvoir cette égalité. L’année suivante, Hatfield a fait enchâsser certains éléments de la loi 88 dans la Charte des droits et libertés de la nouvelle Constitution canadienne pour assurer leur pérennité et en 1993, tous ses articles ont été enchâssés dans la charte.
En 1988, le gouvernement du Nouveau-Brunswick a présenté une première politique sur les langues officielles, qui sera suivie de rapports étoffés sur son application. En 2001, la Cour d’appel du Nouveau-Brunswick a déclaré invalides les arrêtés municipaux unilingues anglais de la Ville de Moncton. L’année suivante, sous le gouvernement du premier ministre acadien Bernard Lord, une nouvelle loi sur les langues officielles, plus complète, a été adoptée à l’unanimité. Celle-ci a créé un poste de commissaire aux langues officielles pour veiller à l’application de la loi et a imposé des obligations aux sept principales villes de la province, ainsi qu’à toute municipalité comptant une minorité francophone ou anglophone représentant au moins 20 % de sa population.
L’Assemblée législative du Nouveau-Brunswick
Les élus du Nouveau-Brunswick siègent dans un bâtiment construit en 1882 à Fredericton dans le style Second Empire (semblable à celui de l’hôtel de ville), d’après les plans de l’architecte James Charles Dumaresq de Saint-Jean. La tour centrale octogonale en grès de trois étages s’élève à 41 mètres au-dessus du toit principal du bâtiment. Visible d’un peu partout au centre-ville, elle sert de point de repère. À l’intérieur, le large escalier en colimaçon du hall d’entrée attire l’attention. Dans la chambre où débattent les élus, plusieurs éléments étonnent. La pièce semble presque aussi haute que large et profonde et sa décoration typiquement victorienne, qui comprend notamment de précieux lustres en cristal, comporte des motifs japonais, sur le papier peint recouvrant les murs et sur le tapis. Ces motifs rappellent que l’art japonais était en vogue en Occident à l’époque où l’on a construit l’Assemblée législative du Nouveau-Brunswick. Le bâtiment a été rénové en profondeur dans les années 1980.