La cathédrale de Saint-Boniface : un hommage à la résilience des Franco-Manitobains
Pénétrer dans la cathédrale de Saint-Boniface aujourd’hui est une expérience unique, car elle est construite entre les hauts murs de pierre de la cathédrale précédente, qui sont restés debout après l’incendie qui l’a ravagée en 1968. L’architecte franco-manitobain Étienne Gaboury, qui a conçu et décoré la cathédrale actuelle, connaissait l’attachement de la population à la plus grande église de l’Ouest canadien, construite au début du 20e siècle pour affirmer la force de la communauté franco-manitobaine. Grâce à ce concept audacieux, les fidèles prient toujours à l’endroit où six églises se sont succédé depuis l’arrivée des missionnaires francophones à la rivière Rouge, en 1818. Cette cathédrale est un élément fondamental du patrimoine et de l’identité franco-manitobains. Elle résiste aux épreuves et renaît constamment de ses cendres.
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Une église au goût et au coût du jour
L’église actuelle, construite en bois, en verre et en acier brun patiné, est un grand bâtiment. Les vitraux latéraux, dessinés par Étienne Gaboury, renouvellent l’imagerie chrétienne dans des formes épurées et ses grands espaces intérieurs invitent au recueillement. Néanmoins, quand le visiteur approche de son seuil, en traversant la nef de la cathédrale précédente, la nouvelle église semble petite, car les murs de pierre colossaux de la cathédrale incendiée en 1968 dominent tant le visiteur que la nouvelle église.
La cathédrale actuelle est plus petite que la précédente, car le nombre de fidèles ne justifiait plus que la paroisse se dote d’un lieu de culte aussi vaste. Bien des paroissiens auraient souhaité la reconstruire à l’identique, mais cette option aurait été ruineuse. Comme la démolition pure et simple des vestiges de la cathédrale dite de Langevin, fierté de la communauté, était inconcevable après la perte de ce symbole identitaire, la proposition de l’architecte Gaboury s’est avérée le meilleur compromis.
Préserver le paysage culturel et la mémoire
La conservation à long terme des murs de pierre de la cathédrale de Langevin, qui sauvegarde les grandes lignes architecturales de cet édifice de style néo-roman, considéré comme le plus bel exemple de l’architecture romanesque française au Manitoba, préserve le paysage culturel du centre historique de la communauté franco-manitobaine. L’importance de ce lieu est si grande qu’il a été désigné site provincial du patrimoine du Manitoba par le gouvernement en 1994.
Devant la cathédrale s’étend l’un des cimetières catholiques les plus anciens et les plus significatifs de l’Ouest canadien. Chaque année, le 16 novembre, une cérémonie commémorant la mort de Louis Riel s’y déroule devant sa tombe. Jean-Baptiste Lagimodière et sa femme, Marie-Anne Gaboury, les Canadiens français considérés comme le couple fondateur de la communauté franco-manitobaine, y sont aussi enterrés, ainsi que quelques évêques, religieux et religieuses marquants. Durant l’été, on y présente le spectacle Sur les traces de Riel, qui informe les visiteurs sur le riche patrimoine de Saint-Boniface et la contribution des Canadiens français et des Métis francophones à l’histoire du Manitoba.
L’histoire des églises et cathédrales de Saint-Boniface
L’abbé Norbert Provencher, premier missionnaire en poste à la rivière Rouge, construit une petite église en bois dès son arrivée en 1818. L’année suivante, il entame la construction d’une seconde église, plus grande, qui sera terminée en 1825 et à laquelle Lord Selkirk, le principal actionnaire de la Compagnie de la Baie d’Hudson (CBH), veut contribuer. Il vient d’établir une communauté écossaise catholique dans la région. Pour améliorer les relations tendues entre les anglophones de la CBH et les francophones de la Compagnie du Nord-Ouest, les deux grandes entreprises rivales de la traite des fourrures, il fait cadeau d’une cloche fabriquée en Angleterre pour la nouvelle église de Provencher. Cette cloche est aujourd’hui exposée au Musée de Saint-Boniface.
De 1832 à 1839, Provencher fait ériger une imposante église à deux hauts clochers jumeaux qui impressionnent tous les visiteurs de passage à Saint-Boniface. Mais en 1860, un incendie détruit cet édifice devenu cathédrale lors de la création du diocèse de Saint-Boniface en 1847. L’évêque Taché, qui succède à Provencher, se dépêche de la remplacer par une église plus petite, à clocher unique, sur le même site. Au début du 20e siècle, la population catholique essentiellement francophone de Saint-Boniface atteint 5000 personnes. L’église ne peut contenir tous les fidèles. L’archevêque Langevin décide alors de construire une cathédrale de grande ampleur, qui serait digne du siège de l’archidiocèse de Saint-Boniface, centre hiérarchique de l’Église catholique dans l’Ouest canadien, et reflèterait la confiance de la communauté franco-manitobaine au moment où Winnipeg devient la métropole de l’ouest et accueille toujours plus d’habitants anglophones. Le coût de la plus grande église de l’Ouest dépasse les 200 000 $, une fortune à l’époque. L’emprunt nécessaire sera amorti sur une période de 40 ans à compter de 1906. Inaugurée en 1908, cette majestueuse cathédrale sera malheureusement la proie des flammes en 1968. Aujourd’hui, la cathédrale de Gaboury, enracinée dans le chœur de la cathédrale de Langevin, la remplace.
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